Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/378

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qui était retourné s’asseoir près du feu, et qui semblait replongé dans ses méditations, y apportât aucun obstacle. Lord Menteith, s’adressant au principal serviteur, se hâta d’entamer un nouveau sujet de conversation qui pût effacer tout souvenir de la querelle qui avait eu lieu.

Si j’ai bien compris, Donald, dit-il au vieux serviteur, le laird est sur la montagne, avec quelques étrangers anglais. — Oui, Votre Honneur, il est sur la montagne, avec des cavaliers saxons : je veux dire, avec sir Miles Musgrave et Christophe Hall, du Cumraeg[1] ; c’est ainsi, je pense, qu’ils appellent leur pays. — Hall et Musgrave ? » dit lord Menteith en jetant un regard à ses domestiques, « ce sont précisément les hommes que nous désirions voir. — Pour moi, dit Donald, je voudrais bien ne les avoir jamais vus, car ils ne sont venus que pour nous chasser de la maison et nous ruiner. — Que dites-vous donc Donald ? Vous n’avez pas coutume d’être si avare de votre bœuf et de votre ale ; quoique du sud, ils ne dévoreront pas tous les troupeaux qui paissent sur les terres du château. — Qu’importe qu’ils les mangent tous ? je voudrais que ce fût là tout le mal ; car nous avons ici bon nombre de vigoureux montagnards qui ne nous en laisseront pas manquer, tant qu’il y aura des bêtes à cornes entre Darnlinvarach et Perth ; mais c’est bien pire que tout cela ; ce n’est rien moins qu’une gageure. — Une gageure ! » répéta lord Menteith d’un ton surpris.

« Oui, » continua Donald aussi empressé de dire ce qu’il savait que lord Menteith était curieux de l’apprendre. « Comme Votre Seigneurie est un ami et un parent de la maison, et comme vous pourrez l’entendre avant une heure, je puis vous le dire. Vous saurez donc que lorsque notre laird alla en Angleterre, où il va plus souvent que ces amis ne le voudraient, il demeura dans la maison de ce sir Miles Musgrave, et on mit sur la table six candélabres, qui sont, m’a-t-on dit, deux fois plus grands que ceux de l’église de Dumblane[2] ; ils ne sont ni en fer, ni en cuivre, ni en étain, mais en bel et bon argent, ni plus ni moins. Au diable leur orgueil anglais, qui est si grand et qu’ils savent si peu diriger ! Ils commencèrent à railler le laird, et à lui dire qu’il n’avait jamais vu rien de pareil dans son pauvre pays. Le laird, mécontent de voir traiter ainsi son pays sans que personne prît la parole pour soutenir son honneur, jura, en sa qualité de bon

  1. Expression abrégée qu’emploient les Écossais pour désigner le Cumberland. a. m.
  2. Petite ville d’Écosse, près de Stirling. a. m.