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une salle de pierre basse et voûtée, rendez-vous commun dans une famille des Highlands. Un grand feu de tourbe qui flambait dans l’immense cheminée placée au haut de la salle y répandait une faible clarté. Sa chaleur était nécessaire pour chasser l’humidité qui, même durant l’été, rendait l’appartement malsain. Vingt ou trente targes, autant de claymores, des dirks, des plaids, des fusils à mèche et à pierre, des arcs, des arbalètes, des haches du Lochaber, des armures plaquées de fer, des bonnets d’acier, des casques, d’anciens haubergeons ou chemises à réseaux de mailles, avec un capuchon et des manches pareilles, étaient suspendus confusément le long des murs, et auraient fourni pendant un mois aux amusements d’un membre de la société moderne des antiquaires. Mais on avait tellement l’habitude alors de voir tous ces objets, qu’ils n’y firent pas grande attention.

Au milieu de la salle était une grande table de chêne grossière, que l’hospitalité prévenante du domestique qui avait déjà parlé couvrit aussitôt de lait, de beurre, de fromage de chèvre, d’un flacon de bière et d’une mesure d’usquebo[1] : c’étaient les rafraîchissements offerts à lord Menteith. Un domestique d’un ordre inférieur faisait les mêmes préparatifs au bout de la table pour les domestiques du lord. L’espace qui les séparait était, suivant la mode du temps, une distinction suffisante entre le maître et les domestiques, quel que fût son rang. En attendant, ils se tenaient près du feu, le jeune homme sous le manteau de la cheminée et les domestiques à quelque distance.

« Que pensez-vous de notre compagnon de voyage, Anderson ? lui dit son maître. — Si tout ce qu’il a dit est vrai, c’est un vigoureux gaillard. Je voudrais bien que nous en eussions une vingtaine comme lui pour discipliner un peu nos Teagues[2]. — Je ne suis pas du même avis que vous, Anderson. Je pense que ce Dalgetty est une de ces sangsues chevaleresques qui, n’ayant fait qu’aiguiser leur soif pour le sang en pays étranger, viennent maintenant s’engraisser de celui de leur pays. Honte à ces hommes mercenaires qui vendent leur épée ! ce sont eux qui ont rendu dans toute l’Europe le nom Écossais synonyme de celui d’infâme mercenaire qui ne connaît ni honneur, ni principe, mais seulement sa paie ; qui passe d’un étendard à un autre, selon le bon plaisir de la fortune ou de celui qui le paie davantage. Et c’est à

  1. Usquebo ou whisky, eau-de-vie de grain. a. m.
  2. Irlandais. a. m.