Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/366

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j’avais plus d’expérience que tous les Dons de notre tertia ensemble[1] ; mais, en garnison, on voulait que j’allasse à la messe avec le régiment. Cependant, milord, comme véritable Écossais, et élevé au collège Mareschal à Aberdeen, j’étais obligé de regarder la messe comme un acte de papisme aveugle et d’entière idolâtrie, que je ne devais pas volontairement reconnaître par ma présence. Il est vrai que je consultai sur ce point un digne, compatriote, le P. Fatsides[2], du couvent écossais de Wurtzbourg. — Et vous obtîntes sans doute une claire décision de votre directeur de conscience ? — Aussi claire qu’elle pouvait l’être après avoir bu six flacons de vin du Rhin, et presque deux pintes de kirchenwasser. Le père Falsides me dit que, pour un hérétique comme moi, autant qu’il pouvait en juger, cela ne signifiait pas grand’chose d’aller ou de ne pas aller à la messe, vu que ma damnation éternelle était signée et scellée sans rémission, à cause de mon impénitente et opiniâtre persévérance dans une hérésie damnable. Découragé par cette réponse, je m’adressai à un pasteur hollandais de l’Église réformée ; il me répondit qu’il pensait que je pouvais légalement aller à la messe, parce que le prophète avait permis à Naaman, puissant guerrier et honorable cavalier de Syrie, de suivre son maître dans le temple de Rimmon, faux dieu ou idole qu’il adorait, et de saluer, tandis que le roi s’appuyait sur son bras. Mais cette réponse ne me satisfit point encore, parce qu’il y avait une grande différence entre un roi de Syrie qui a été oint, et notre colonel espagnol, que mon souffle eût fait voler comme une pelure d’oignon, et principalement parce que je ne pouvais découvrir que cette chose me fût commandée par aucun règlement militaire ; et je ne trouvais aucune considération, même dans ma paie, qui pût balancer les remords de ma conscience. — Ainsi, vous changeâtes de nouveau de service ? — Oui, en vérité, milord ; et après avoir essayé pendant quelque temps de deux ou trois autres gouvernements, je pris du service sous leurs hautes puissances les États de Hollande. — Et comment votre humeur s’accommoda-t-elle de leur service ? — Oh ! milord, » dit le soldat avec une sorte d’enthousiasme, » pour la paie leur conduite pourrait servir de modèle à toute l’Europe. Pas de prêts, pas d’emprunts, ni de retenues, ni d’arriérés ; tout est balancé et payé comme un livre de banque. Les quartiers aussi sont excellents,

  1. Don, particule des titres espagnols ou portugais. — Tertia, régiment. a. m.
  2. Mot qui veut dire Côtes grasses. a. m.