Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/365

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sieur ; et comme, dans les perquisitions qui suivirent, il plut à Walter Butler, notre oberst ou colonel, d’infliger la punition la plus légère à son compatriote, et la plus grande à moi, choqué d’une telle partialité, je changeai ma commission contre une autre au service de l’Espagne. — J’espère que vous vous trouvâtes mieux de ce changement ? — De bonne foi, je n’eus pas beaucoup à m’en plaindre. La paie était assez régulière, étant fournie par les riches Flamands et Wallons des Pays-Bas. Nos quartiers étaient excellents, le bon pain de froment de Flandre était meilleur que le grossier pain de seigle de la Suède, et nous avions le vin du Rhin plus en abondance que je n’ai jamais vu la bière noire de Bostock dans le camp de Gustave. Le service était nul, le devoir peu de chose, et nous pouvions le remplir ou le laisser là, suivant notre bon plaisir ; excellente retraite pour un cavalier qui est un peu fatigué des batailles et des sièges, qui a payé de son sang tout l’honneur que le service peut lui rapporter, et qui désire avoir un peu ses aises et faire bombance. — Et puis-je vous demander pourquoi vous, capitaine, qui êtes, je suppose, dans l’état que vous venez de décrire, vous avez aussi quitté le service espagnol ? — Vous devez considérer, milord, que l’Espagnol est un personnage qui, à ses yeux, n’a pas d’égal ; aussi ne tient-il aucun compte des valeureux cavaliers étrangers à qui il plaît de prendre du service chez lui. Et c’est une chose vexatoire pour tout honorable soldado de se voir mis de côté, oublié, et obligé de céder le pas à chaque signor[1] boursoufflé d’orgueil qui, s’il était question de monter le premier à l’assaut la pique à la main, serait disposé volontiers à céder la place à un cavalier écossais. Et de plus, milord, ma conscience était tourmentée à cause de la religion. — Je n’aurais jamais pensé, capitaine Dalgetty, qu’un vieux soldat qui a changé de service tant de fois, aurait été si scrupuleux en pareil cas. — Aussi ne les uis-je que faiblement ; car je pense que c’est le devoir du chapelain du régiment de se mêler de cela pour moi comme pour tout autre brave cavalier, d’autant plus qu’il ne fait rien autre chose, que je sache, pour gagner sa paie et ses appointements. Mais c’était un cas particulier, milord, un casus improvisus, comme je puis dire, dans lequel je n’avais pas de chapelain de ma croyance pour me servir de conseiller. En un mot, quoique je fusse protestant, je trouvai qu’on fermait les yeux là-dessus, parce que j’étais un homme d’exécution, et que

  1. Senor en espagnol. a. m.