Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/358

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

carpée, et était couverte de bruyères d’un pourpre foncé. Aujourd’hui un site si romantique serait regardé par un voyageur comme possédant les plus grands charmes ; mais ceux qui voyageaient dans ces jours de trouble et de terreur faisaient peu d’attention aux scènes pittoresques.

Le maître, aussi souvent que les arbres le permettaient, marchait de front avec l’un de ses domestiques ou tous les deux, à la fois, et semblait causer attentivement avec eux, probablement parce que les distinctions de rang sont facilement mises de côté parmi ceux qui courent les mêmes dangers. Le caractère des chefs qui habitaient cette contrée sauvage, et la probabilité qu’ils prendraient part aux convulsions politiques dont on était menacé, étaient le sujet de leur conversation.

Ils n’avaient pas encore parcouru plus de la moitié du chemin le long du lac, et le jeune gentilhomme montrait du doigt à ses domestiques le lieu où la route qu’il se proposait de suivre tournait vers le nord, lorsque, quittant les bords du Loch[1], et gravissant un ravin à droite, ils aperçurent un homme à cheval. Il était seul, et suivait le rivage, comme s’il fût venu à leur rencontre. Le reflet des rayons du soleil sur son casque et sa cuirasse montrait qu’il était couvert d’une armure, et le projet des autres voyageurs était qu’il ne passât pas sans être questionné. « Il faut que nous sachions qui il est, dit le jeune gentilhomme, et où il va. » Et donnant de l’éperon à son cheval, il courut à sa rencontre avec ses deux domestiques aussi vite que le mauvais état du chemin le permettait, jusqu’à ce qu’il eût atteint le point où la route qui longeait les bords du lac était coupée par celle qui descendait du ravin, s’assurant ainsi que l’étranger ne pourrait les éviter en prenant la dernière direction avant qu’ils pussent le joindre.

L’étranger d’abord avait fait doubler le pas à son cheval, lorsqu’il aperçut les trois cavaliers s’avancer rapidement vers lui ; mais, lorsqu’il les vit faire halte et former un front en occupant entièrement le chemin, il retint son cheval et avança avec une grande précaution ; ainsi chaque parti eut le temps de faire une pleine reconnaissance de l’autre. L’étranger montait un bon cheval, propre au service militaire et au poids énorme qu’il avait à supporter ; son cavalier occupait sa demi-pique ou selle militaire, d’un air qui montrait qu’il en avait une grande habitude. Il avait

  1. Nom générique des lacs écossais. a. m.