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quoique sans cordialité, et de se témoigner extérieurement l’un à l’autre ces égards indispensables entre époux pour s’assurer la considération publique.

De plusieurs enfants qu’ils avaient eus, il ne leur en restait que trois. L’aîné voyageait sur le continent ; le second était une fille de dix-sept ans, et le troisième un garçon plus jeune d’environ trois ans, qui résidait avec ses parents à Édimbourg, pendant les sessions du parlement d’Écosse et du conseil privé, et le reste de l’année dans le vieux château gothique de Ravenswood, auquel le lord Keeper avait ajouté plusieurs bâtiments dans le style d’architecture du dix-septième siècle.

Allan, lord Ravenswood, le dernier propriétaire de cet ancien manoir et des vastes domaines qui en dépendaient, continua pendant quelque temps à guerroyer inutilement contre son successeur, au sujet de divers points litigieux occasionnés par leurs anciennes transactions. Ils furent successivement décidés en faveur de son riche et puissant compétiteur. Enfin la mort de Ravenswood vint terminer tous ces différends. Le fil de sa vie, qui depuis long-temps était devenu de plus en plus faible, se rompit dans un violent accès de fureur impuissante dont il fut assailli en recevant la nouvelle de la perte d’un procès, plus fondé peut-être sur l’équité que sur les lois, et qu’il avait soutenu contre son redoutable antagoniste. Son fils reçut ses derniers adieux, et entendit les imprécations qu’il prononça contre son adversaire, comme si elles lui eussent transmis un legs de vengeance. D’autres circonstances vinrent encore irriter une passion qui était encore le vice dominant du caractère écossais.

Ce fut dans une matinée du mois de novembre, tandis que les rochers qui dominaient sur l’Océan étaient couverts d’un brouillard épais et disposant à la tristesse, que les portes de l’antique tour à demi ruinée, dans laquelle lord Ravenswood avait passé les dernières années d’une vie agitée, s’ouvrirent pour laisser sortir ses dépouilles mortelles que l’on portait à une demeure encore plus triste et plus solitaire. La pompe à laquelle le défunt avait été étranger depuis bien des années reparut au moment où il allait être oublié pour jamais.

Un grand nombre de bannières, portant les diverses devises et armoiries de cette ancienne famille et de celles qui lui étaient alliées, se déployaient successivement en procession funèbre, dans le trajet du passage voûté de la cour. La principale noblesse du