Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/347

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Dans la maison du nouveau tenancier, le sergent Mac Alpin trouva cependant une source inattendue de plaisir, et l’occasion de déployer ses affections sociales. Sa sœur Jeannette heureusement avait toujours eu un si fort pressentiment que son frère reviendrait un jour, qu’elle avait refusé d’accompagner ses parents dans leur émigration. Et elle avait consenti, mais non pas sans se sentir humiliée, à prendre du service chez le propriétaire lowlander, qui, quoique Saxon, disait-elle, s’était montré un homme humain à son égard. Cette rencontre inespérée avec sa sœur sembla être un remède à tous les désappointements que le sort avait fait subir au sergent More ; et cependant ce ne fut pas sans laisser échapper une larme involontaire qu’il entendit raconter par la seule femme qui restât de sa tribu, l’histoire de l’expatriation de sa famille.

Elle lui raconta les inutiles offres qu’ils avaient faites d’augmenter leur fermage, ce qui les aurait réduits à une extrême pauvreté, qu’ils auraient pourtant supportée avec joie, puisqu’il leur aurait été permis de vivre et de mourir sur leur sol natal. Elle n’oublia pas non plus de raconter à son frère les prodiges qui avaient annoncé le départ de la race celtique et l’arrivée des étrangers : car deux années avant l’émigration, lorsque le vent soufflait pendant la nuit dans le défilé de Ballachra, on entendit distinctement ces mots, Ha til mi tulidh[1], paroles que les émigrants employaient ordinairement pour faire leurs adieux à la terre natale. Les cris sauvages des bergers étrangers et les hurlements de leurs chiens s’étaient fait souvent entendre au milieu des brouillards, long-temps avant leur arrivée dans le pays. Un barde, le dernier de sa race, avait célébré l’expulsion des naturels de la vallée dans un chant qui fit pleurer le vétéran, et dont la première stance peut être ainsi rendue :


« Malheur, malheur à toi, fils des vertes campagnes !
Pourquoi quitter les champs à peine reverdis ?
Pourquoi venir troubler les enfants des montagnes,
Et dévaster le val si fortuné jadis ? »


Ce qui ajouta au chagrin du sergent More Mac Alpin dans cette occasion, fut que le chef par lequel ce changement avait été opéré était regardé par la tradition et l’opinion générale comme représentant les anciens chieftains, ou chefs, aïeux des fugitifs ; et jusqu’ici un des principaux objets de l’orgueil du sergent More

  1. Nous ne reparaîtrons plus, we return no more. a. m.