Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/340

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veille. Une recherche plus minutieuse que la première fois eut lieu sans plus de succès. Cependant j’avais en réserve une paire de bas complète et une paire de bottines plus grandes que les premières. Je les mis. Le troisième jour je trouvai la même chose, c’est-à-dire qu’on ne m’avait laissé de bas que pour une jambe. C’est alors que moi et mes domestiques nous supposâmes que les rats devaient s’être emparés de mes bas, et la maîtresse de la maison, qui le savait très-bien, ne voulait pas me le dire. On visita avec des lumières la chambre qui était très-basse, et l’on aperçut le haut de mes bottines en un trou dans lequel avait été attiré le reste. Je sortis et fis lever les gens de la maison, pour voir comment les rats avaient disposé de ma chaussure. L’hôtesse envoya une de ses domestiques pour assister à la perquisition. Le trou étant un peu ouvert, un de mes petits garçons y introduisit sa main et rapporta vingt-quatre pièces d’or et un angèle[1]. La servante affirma que tout cela appartenait à sa maîtresse. Le petit garçon m’ayant apporté l’or, j’allai trouver l’hôtesse et lui dis que Lambert ayant logé dans cette maison, il était probable que quelques-uns de ses domestiques avaient caché cet or, et que s’il en était ainsi, la trouvaille me revenait légalement, mais que si elle pouvait prouver que cet or lui appartenait, je le lui rendrais sur-le-champ. La pauvre dame avoua en pleurant que son mari n’étant pas des plus sobres (et en effet c’était un vrai prodigue), elle avait caché cet or à son insu, pour l’employer dans l’occasion, surtout en cas de maladie ; et elle me conjura, puisque j’aimais le roi, pour lequel son mari et elle avaient beaucoup souffert, de ne point lui retenir son or. Elle ajouta que s’il y avait plus de vingt-quatre pièces entières et deux demi-pièces, le surplus ne lui appartiendrait pas, et qu’elle les avait renfermées dans une bourse de velours vert. Après que je l’eus rassurée quant à son or, une nouvelle recherche fut faite ; on trouva l’autre angèle, la bourse verte en pièces comme mes bas ; je rendis aussitôt l’or à la bonne dame. J’ai souvent ouï dire que le rongement ou déchirement des habits par des rats est un pronostic annonçant quelques fâcheuses affaires à celui auquel ils appartiennent. Je rends grâce à Dieu de n’avoir jamais été porté à croire de tels présages, ou de n’y avoir fait aucune attention. Il est vrai que des malheurs plus grands m’ar-

  1. Petite pièce de monnaie ancienne, d’une valeur de 10 schellings, ou environ 12 francs. Elle portait l’empreinte d’un ange, en mémoire de la remarque faite par le pape Grégoire, que les païens angli ou anglais étaient si beaux que, s’ils eussent été chrétiens, ç’auraient été des anges. a. m.