Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/330

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prises dans un cabinet voisin. En ayant choisi une, il se dit à lui-même : « Elle est plus courte… ; mais peu importe : laissons-lui cet avantage, ce ne sera qu’un de plus.

D’après ces préparatifs, Caleb ne vit que trop bien quel était le projet de son maître, et il savait aussi que toute intervention de sa part serait inutile. Il n’eut que le temps de se retirer de la porte, afin de n’être pas surpris par Edgar, lorsque celui-ci, sortant brusquement de sa chambre, descendit à l’écurie, où le fidèle domestique ne tarda pas à le suivre. Le désordre de ses cheveux et de ses vêtements, joint à la pâleur de son visage, acheva de prouver à Caleb que son maître avait passé la nuit sans prendre aucun repos. Le trouvant occupé à seller son cheval, il lui demanda d’une voix tremblante de lui laisser ce soin ; mais Ravenswood lui fit entendre par un signe qu’il le dispensait de ses services, et conduisit lui-même son cheval dans la cour ; il se préparait à se mettre en selle, lorsque la timidité du vieux domestique cédant à la force de son attachement, sentiment prédominant de son âme, il se précipita tout à coup à ses pieds, et embrassa ses genoux en s’écriant : « Monsieur ! mon cher maître ! tuez-moi si vous voulez, mais ne sortez pas en ce moment ; renoncez au sinistre projet qui vous occupe. Différez seulement d’un jour : le marquis d’Athol doit arriver demain, et tout s’arrangera. — Vous n’avez plus de maître, Caleb, dit Ravenswood cherchant à se dégager de ses mains ; pourquoi vous attacher à un édifice qui s’écroule ? — Je n’ai plus de maître ! » s’écria Caleb en le retenant encore : « j’en aurai un, tant que l’héritier de Ravenswood respirera. Je ne suis qu’un serviteur ; mais j’ai été celui de votre père, celui de votre grand-père ; je suis né dans la famille ; j’ai vécu pour elle, et je mourrai pour elle. Restez seulement chez vous, et tout ira bien. — Tout ira bien ! dit Ravenswood ; pauvre vieillard ! désormais il n’est plus de bonheur pour moi dans la vie, et le moment le plus heureux sera celui qui la terminera : puisse-t-il arriver bientôt ! »

En parlant ainsi, il se dégagea des bras du vieillard, s’élança sur son cheval et sortit du château ; mais, se retournant tout à coup, il jeta au-devant de Caleb, qui accourait vers lui, une bourse pleine d’or.

« Caleb, » dit-il avec un affreux sourire, » je vous fais mon héritier ; » et tournant bride, il descendit précipitamment la colline.

L’or tomba sur le pavé de la cour ; mais le vieillard n’y fit