Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/326

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nous donner seraient beaucoup moins douces pour moi que ce moment de vengeance. Les voilà, ceux qui faisaient caracoler leurs chevaux, il n’y a que quatre jours ; ils marchent maintenant, aussi tristes et aussi mélancoliques que nous. Ils étaient tout éclatants d’or et d’argent ; ils sont à présent aussi noirs que la crémaillère. Et miss Lucy Ashton, qui se montrait de mauvaise humeur quand une honnête femme s’approchait d’elle ! aujourd’hui un crapaud peut s’asseoir sur son cercueil, sans qu’elle sente soulever son cœur lorsqu’il coasse. Lady Ashton a maintenant le cœur consumé par le feu de l’enfer ; et sir William, avec ses gibets, ses fagots et ses chaînes, comment trouve-t-il les sortilèges de sa propre maison ? — Est-il donc vrai, demanda la paralytique, que la mariée fut arrachée de son lit, et emportée, à travers la cheminée, par de malins esprits qui tordirent le cou à son fiancé ? — Peu vous importe par qui et comment cela a été fait ? dit Ailsie Gourlay ; je vous dis, moi, que c’est une affaire qui sort du cours naturel des choses : sir William et son épouse, ainsi que tous ceux qui habitent le château, le savent fort bien. — Puisque vous en savez tant là-dessus, dit Winnie, est-il vrai que le portrait du vieux sire Malise Ravenswood descendît sur le plancher du salon, et répandît la terreur au milieu de la compagnie ? — Non, répondit Ailsie ; mais le portrait est venu dans le salon, et je sais bien comment il y est venu : c’était pour les avertir que leur orgueil serait humilié. Dans ce moment même, il se passe encore dans le caveau une chose non moins étrange, mes commères. Vous avez compté douze personnes en deuil, avec crêpe et manteau noir, descendant l’escalier deux à deux ? — De quoi nous aurait servi de les compter ? » dit l’une des vieilles femmes.

« Je les ai comptées, moi, » dit l’autre avec l’empressement d’une personne que ce spectacle avait trop intéressée pour le regarder avec indifférence.

« Mais vous n’avez pas vu, » répliqua Ailsie en se glorifiant de la supériorité de son observation, « qu’il y en a une treizième que l’on n’attendait pas ; et si le vieux proverbe est vrai, il y a quelqu’un dans la compagnie qui ne sera pas long-temps de ce monde. Mais allons-nous-en, commères ; si nous restons ici, je suis sûre qu’on nous accusera de tous les malheurs qui pourront arriver, et je vous prédis qu’il arrivera malheur. »

À ces mots, les trois affreuses sibylles sortirent du cimetière, en croassant comme des corbeaux qui présagent la peste.