Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/322

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aperçut le corps du nouveau marié étendu près du seuil de la chambre nuptiale, et le plancher couvert de sang. Tous poussèrent un cri de surprise et d’horreur, et la compagnie qui était dans le salon, attirée par cette nouvelle alarme, se précipita confusément vers la chambre à coucher. Le colonel Ashton dit tout bas à sa mère : « Cherchez-la, elle l’a tué ; » puis, tirant son épée, il se plaça devant la porte, et déclara qu’il ne laisserait entrer personne, excepté le ministre et le chirurgien qui étaient présents. On s’empressa de relever Bucklaw, qui respirait encore, et de le transporter dans un autre appartement, où ses amis, en proie aux soupçons et proférant des murmures, s’assemblèrent autour de lui pour connaître l’opinion du chirurgien.

Cependant lady Ashton, son mari, et ceux qui les avaient suivis, cherchèrent Lucy dans le lit et dans la chambre, mais inutilement. Il n’y avait point de porte dérobée, et l’on commençait à croire qu’elle s’était jetée par la fenêtre, lorsqu’une personne de la compagnie, tenant son flambeau plus bas que les autres, aperçut quelque chose de blanc dans le coin d’une grande et antique cheminée. Là on trouva la malheureuse fille, assise, ou plutôt blottie comme un lièvre dans son gîte ; ses cheveux étaient en désordre ; ses vêtements déchirés et souillés de sang ; ses yeux brillaient d’un feu sombre, et la démence agitait ses traits décomposés. Quand elle se vit découverte, elle fit entendre des sons inarticulés, tout en grimaçant d’une manière horrible, et, avec tous les gestes frénétiques d’un démoniaque triomphant, elle leur montra ses mains ensanglantées.

On fit sur-le-champ venir des femmes, avec le secours desquelles on se rendit maître de sa personne, non sans avoir recours à la force. Comme on la transportait hors de la chambre, elle jeta un regard sur le seuil de la porte, et, faisant entendre pour la première fois des paroles articulées, elle dit avec une espèce de joie sinistre, et qui fit frémir ceux qui l’entouraient : « Ah ! ah ! vous l’avez donc relevé votre beau fiancé ? » On la déposa dans un appartement plus éloigné du bruit ; là elle reçut tous les soins que sa situation exigeait, et l’on veilla sur elle de très-près.

Il serait impossible de décrire la douleur de ses parents, l’horreur et la confusion qui régnaient dans le château, les violentes altercations qui s’élevèrent entre les amis des deux familles, altercations d’autant plus vives, que les esprits étaient échauffés par les excès de la table.