Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/321

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pagnie des menaces de vengeance. Cet échange devait avoir été fait pendant que l’on était à table, et l’on n’avait pu s’en apercevoir que lorsque les flambeaux et les lustres eurent été allumés pour le bal. Les cavaliers, dont la tête était échauffée, voulaient que l’on commençât sur-le champ des recherches pour découvrir la cause de ce qu’ils appelaient une insulte faite à leur hôte et à eux-mêmes ; mais lady Ahston, revenue de sa surprise, présenta la chose comme un acte de folie de la part d’une servante qui avait la tête un peu dérangée ; plusieurs fois, ajouta-t-elle, on avait remarqué que l’imagination de cette femme était vivement frappée des histoires que dame Gourlay prenait plaisir à lui raconter concernant « la dernière famille ; » car c’est ainsi qu’elle désignait toujours les Ravenswood. L’odieux portrait fut aussitôt enlevé, et le bal fut ouvert par lady Ashton : la grâce, la dignité qu’elle y déploya, remplaçaient les charmes de la jeunesse, et justifiaient presque les éloges exagérés de quelques vieillards, qui prétendaient que, dans la nouvelle génération, personne ne pouvait rivaliser avec une danseuse si parfaite.

Lorsque lady Ashton s’assit, elle ne fut nullement surprise de voir que sa fille avait quitté le salon ; et elle la suivit elle-même, afin de prévenir l’impression fâcheuse qu’aurait pu lui causer un incident tel que la substitution mystérieuse des portraits. Elle trouva apparemment que ses craintes étaient sans fondement : car elle revint au bout d’une heure, et dit quelques mots à l’oreille de Bucklaw, qui bientôt disparut à son tour. Les instruments faisaient entendre les sons les plus bruyants, et les danseurs continuaient à se livrer à leur exercice favori avec toute l’ardeur qu’inspirent la jeunesse et la gaieté, lorsqu’un cri aigu et perçant arrêta tout à coup la danse et la musique. Tout le monde resta immobile ; mais le même cri s’étant répété, le colonel Ashton saisit une bougie et demanda la clef de la chambre des époux à Henri, qui en avait la garde comme premier garçon de la noce ; il y courut en toute hâte, suivi de sir William et de lady Ashton, et d’un ou deux proches parents de la famille. Les autres conviés attendirent leur retour, plongés dans un étonnement voisin de l’inquiétude.

Arrivé à la porte de la chambre, le colonel Ashton frappa et appela : mais il ne reçut d’autre réponse que des gémissements étouffés. Il n’hésita plus à ouvrir la porte, qui résista comme si quelque chose se fût trouvé derrière. Lorsqu’il eut réussi à l’ouvrir, on