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Ashton, poussée à bout par ses parents, leur annonça, avec une vivacité qui les fit tressaillir, qu’elle savait que le ciel, la terre et l’enfer s’étaient ligués pour empêcher son union avec Ravenswood. « Et cependant, ajouta-t-elle, mon engagement avec lui est obligatoire pour moi, et je ne veux ni ne puis le rompre sans son consentement. Que je sois assurée qu’il y consent, et vous disposerez de moi comme il vous plaira, peu m’importe ! Lorsque les diamants ont disparu, à quoi sert l’écrin ? »

Le ton de fermeté avec lequel elle prononça ces paroles, le feu surnaturel qui jaillissait de ses yeux, l’énergie de ses gestes, interdisaient toute observation, et tout ce que put obtenir l’artificieuse lady Ashton, fut qu’elle dicterait la lettre par laquelle sa fille prierait Ravenswood de lui faire savoir si son intention était de maintenir ou de rompre ce qu’elle appelait « leur malheureux engagement. » Lady Ashton sut si bien profiter de cet avantage que, d’après les expressions de la lettre, on pouvait croire que Lucy sommait son amant de renoncer à un engagement également contraire aux intérêts et aux inclinations de l’un et de l’autre. Ne se fiant pas même à cet acte de déception, lady Ashton se détermina à supprimer totalement la lettre, dans l’espoir que Lucy dans son impatience, condamnerait Ravenswood absent et sans l’avoir entendu. Cependant elle fut trompée dans son attente. L’époque à laquelle on aurait dû recevoir la réponse d’Edgar se passa, et le faible rayon d’espoir qui brillait encore dans le cœur de Lucy était bien près de s’éteindre ; mais l’idée que sa lettre pouvait ne pas lui avoir été régulièrement adressée ne l’abandonna jamais, et une nouvelle manœuvre de sa mère lui fournit inopinément le moyen de s’assurer de ce qu’elle désirait le plus savoir.

L’agent femelle de l’enfer ayant été renvoyé du château, lady Ashton, qui agissait par toute sorte de moyens différents, résolut, pour parvenir à son but, d’employer un agent d’un caractère bien opposé. Ce nouvel agent n’était autre que le révérend M. Bide-the-bent, ministre presbytérien, professant les principes les plus rigides de cette secte ; elle l’avait appelé à son aide en disant, comme le tyran, dans la tragédie :

J’aurai bien quelque homme d’église,
Pour lui faire abjurer sa foi ;
Alors il faudra qu’elle brise
Un vœu contracté malgré moi.

Mais lady Ashton se trompa encore dans son choix. Les préju-