Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/299

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trouvait, l’idée d’un mauvais destin poursuivant son attachement, l’emporta, et les sombres tableaux de la superstition obscurcirent un esprit déjà suffisamment affaibli par le chagrin, la détresse, l’incertitude, et par la pensée accablante de l’état d’isolement et d’abandon où la plongeait sa famille. Ces histoires qu’Ailsie lui racontait étaient accompagnées de circonstances tellement analogues à sa position personnelle, que, par degrés, elle en vint à converser familièrement avec la vieille sur tous ces sujets tragiques et mystérieux, et même à lui accorder une sorte de confiance malgré la répugnance involontaire qu’elle éprouvait encore pour cette femme. Tout incomplet que fût ce changement, dame Gourlay sut en tirer parti. Elle dirigea toutes les pensées de Lucy vers les moyens de lire dans l’avenir, voie la plus sûre peut être pour égarer le jugement et détruire toute l’énergie de l’âme. Des présages furent expliqués, des songes furent interprétés ; peut-être même eut-on recours à d’autres tours de jonglerie, au moyen desquels les prétendus adeptes de cette époque parvenaient à fasciner l’esprit de ceux qu’ils avaient dessein de tromper.

On trouve une sorte de consolation à savoir que la vieille sorcière fut mise en jugement, condamnée et brûlée au sommet de Nortdh-Berwick-Law, en vertu d’une sentence rendue par une commission du conseil privé : parmi les crimes qui servirent de base à cette condamnation, on voit qu’elle fut accusée d’avoir, à l’aide de Satan et des illusions, montré dans un miroir, à une jeune personne de qualité, un jeune homme, alors en pays étranger, et auquel cette demoiselle était fiancée, s’unissant à une autre épouse. Mais, sans doute par égard pour les familles intéressées dans le procès, leurs noms ne se trouvent pas mentionnés au registre. Il faut croire qu’Ailsie Gourlay, pour exécuter un pareil acte de jonglerie, reçut des secours plus efficaces que ceux de ses propres talents. Quoi qu’il en soit, toutes ces manœuvres produisirent leur effet naturel, celui de déranger l’esprit de miss Ashton ; sa santé s’altéra ; de fréquentes inégalités de caractère se développèrent en elle, et elle prit une humeur triste, mélancolique et fantasque. Son père en devina à peu près la cause, et faisant acte d’autorité, ce qui ne lui était pas ordinaire, il chassa du château la dame Gourlay ; mais le trait était lancé et avait pénétré trop avant dans le cœur de la victime.

Ce fut peu de temps après le départ de cette femme, que Lucy