CHAPITRE XXXI.
lucy malade.
La santé de Lucy Ashton exigea bientôt les secours d’une personne plus exercée aux fonctions de garde-malade que les femmes employées au service de la famille. Ailsie Gourlay, surnommée quelquefois la femme savante de Bowden, fut celle que, pour des motifs puissants et qui lui étaient particuliers, lady Ashton appela de préférence auprès de sa fille.
Cette femme s’était acquis une grande réputation par les prétendues guérisons qu’elle opérait, particulièrement dans les maladies mystérieuses, surtout dans celles qui bravent l’art du médecin[1]. Ses remèdes consistaient en herbes cueillies sous l’influence de quelque planète, en mots bizarres, en signes et en charmes, qui, quelquefois peut-être, produisaient un effet salutaire sur l’imagination de ses malades. Telle était la profession avouée d’Ailsie Gourlay, devenue, il est aisé de le croire, un objet de suspicion et de méfiance aux yeux de ses voisins et même pour le clergé du canton. En secret, néanmoins, elle faisait un trafic plus lucratif des sciences occultes ; car, malgré les châtiments terribles que l’on infligeait aux personnes déclarées coupables du crime de sorcellerie, il y en avait encore qui, pressées par le besoin ou par une sorte de méchanceté naturelle, ne craignaient pas de s’exposer à tout l’odieux et même à tous les dangers de ce métier, à cause de l’influence qu’elles acquéraient dans leur voisinage par la terreur qu’elles inspiraient, et du misérable salaire qu’elles retiraient de l’exercice de leur art prétendu.
Ailsie Gourlay était cependant trop prudente pour reconnaître qu’elle avait fait un pacte avec l’esprit malin ; car c’eût été un moyen aussi sûr que prompt d’aller au poteau et au tonneau goudronné[2]. Sa magie, disait-elle, était une magie innocente,