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fiancée qu’un acquiescement tacite aux volontés de ses parents ; et, comme il avait peu d’occasions de la connaître, encore moins d’établir avec elle une sorte d’intimité, il s’en rapportait à l’extérieur, de même que, dans le Marchand de Venise[1], les amants choisissent chacun la cassette qui renferme leur destinée, s’en remettant au hasard pour amener le lot qui doit leur échoir dans cette loterie.

Il n’était donc pas surprenant, d’après les mœurs générales du siècle, que M. Hayston de Bucklaw, éloigné de la bonne société par ses habitudes de dissipation, ne cherchât pas à trouver dans sa future épouse des sentiments auxquels des hommes doués de délicatesse, de jugement et d’expérience, se seraient peut-être montrés également indifférents. Il savait, ce que tout le monde regardait comme le point essentiel, que les parents et les amis de Lucy s’étaient fortement prononcés en sa faveur, et que cette prédilection reposait sur de puissants motifs.

Dans le fait, la conduite du marquis d’Athol, depuis le départ de Ravenswood, avait été calculée de manière à rendre impossible l’union de son parent avec Lucy Ashton. Le marquis portait à Edgar une sincère amitié, mais cette amitié n’était pas dirigée par le jugement ; ou plutôt, comme bon nombre d’amis et de patrons, il agissait suivant ce qu’il considérait comme les véritables intérêts de son parent, bien qu’il sût qu’en agissant ainsi il contrariait ses inclinations.

Le marquis poursuivit donc, avec toute la plénitude de la puissance ministérielle, l’appel qu’il interjeta devant le parlement d’Écosse des jugements en vertu desquels sir William avait été mis en possession des domaines de Ravenswood. Comme cette mesure était appuyée de l’autorité que donne le pouvoir, elle occasionna de vives réclamations de la part des membres de l’opposition, qui la regardèrent comme un empiétement inouï, arbitraire et tyrannique, sur l’autorité des tribunaux civils du pays ; et, si elle affecta aussi vivement des étrangers qui n’étaient liés avec sir William Ashton que par une conformité de principes politiques, on peut juger de l’effet qu’elle produisit sur sa famille. Sir William, encore plus intéressé que timide, était réduit au désespoir par la perte dont il était menacé. Le ressentiment de son fils, qui, avec un caractère plus hautain, fut porté jusqu’à la rage, par l’idée de se voir privé d’un domaine qu’il regardait déjà comme un héritage patrimonial. Quant à lady Ashton, dont l’esprit était

  1. De Shakspeare. a. m.