Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/282

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caprice. Je gage que lady Ashton y a beaucoup contribué : elle connaît tous les rouages qu’il faut faire jouer pour dompter l’esprit humain, et elle s’en sert comme un habile écuyer emploie le bridon, la martingale et le caveçon pour dompter un jeune cheval. — Comment diable parviendrions-nous à les dresser sans cela ? — Cela est encore vrai, » dit Bucklaw en suspendant sa marche et en s’appuyant sur le dos d’une chaise ; » et d’ailleurs, voilà encore Ravenswood sur mon chemin : pensez-vous qu’il renonce à l’engagement de Lucy ? — Oui, sans doute, il y renoncera ; pourquoi y tiendrait-il, quand il est sur le point de prendre une autre femme, elle un autre mari ? — Et vous croyez sérieusement qu’il va épouser la dame étrangère dont vous avez entendu parler ? — Vous avez entendu vous-même ce que le capitaine Westenho a dit à ce sujet, ainsi que des préparatifs que l’on fait pour la célébration de ces brillantes noces. — Le capitaine Westenho vous ressemble un peu trop, mon cher Craigie, pour faire ce que sir William Ashton appellerait un témoin irrécusable. Il boit bien, joue bien, jure bien, et s’il s’agit de mentir et de tromper, je pense qu’il ne s’en acquitte pas moins bien : ces qualités sont fort utiles, Craigengelt, lorsqu’elles ne sortent pas de leur sphère particulière ; mais elles sentent un peu trop le flibustier pour figurer convenablement dans une cour de justice. — Eh bien ! en croirez-vous le colonel Douglas Ashton, qui a entendu le marquis d’Athol dire en pleine compagnie, sans savoir qu’il fût présent, que son parent avait pris des arrangements trop avantageux pour donner le domaine de son père en échange de la fille, au teint pâle et blême d’un fanatique sans crédit, et que Bucklaw était le bien-venu à chausser les vieux souliers de Ravenswood ? — L’a-t-il dit ? » s’écria Bucklaw en se livrant à un de ces accès irrésistibles de colère auxquels il était naturellement sujet ; « si je l’avais entendu, de par le ciel ! je lui aurais arraché la langue devant ses flatteurs et ses favoris, devant ses fanfarons de Highlanders eux-mêmes. Comment le jeune Ashton ne lui a-t-il pas passé son épée au travers du corps ? — Je veux être capot si je le sais. Assurément le marquis le méritait bien ; mais c’est un vieillard, un ministre d’État, et il y aurait plus de danger que d’honneur à avoir une affaire avec lui. Mieux vaut songer à dédommager miss Ashton du tort que ces discours peuvent lui faire, plutôt que de vous en prendre à un homme trop vieux pour se battre, et placé trop haut pour que vous puissiez l’atteindre. — Je l’atteindrai cepen-