Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/281

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gengelt. Vous êtes sur le point de conclure un mariage, le meilleur mariage de tout le pays, un mariage enfin pour lequel vous montriez tant d’impatience, et vous paraissez d’aussi mauvaise humeur qu’une ourse à qui on a enlevé ses petits. — Je ne sais, répondit le laird d’un ton bourru, si je le conclurais ou non, si je n’étais trop avancé pour reculer. — Reculer ! » s’écria Craigengelt, jouant parfaitement la surprise ; « ce serait là jouer à qui perd gagne. Reculer ? Mais la dot de la fille n’est-elle pas ?… — De la jeune lady, s’il vous plaît, » reprit Hayston.

« Bien ! bien ! je n’ai pas eu l’intention de lui manquer de respect. Mais la dot de miss Ashton n’est-elle pas égale à la plus belle que vous puissiez trouver dans le Lothian ? — D’accord ; mais je me soucie fort peu de sa dot ; j’ai assez de ma fortune personnelle. — Et sa mère qui vous aime comme si vous étiez un de ses enfants ? — Plus que certain de ses enfants, je crois ; car sa dépense d’affection est bien légère. — Et le colonel Sholto Douglas Ashton, qui désire ce mariage plus que toute autre chose au monde ? — Parce qu’il espère qu’à l’aide de mon crédit il sera élu membre du parlement. — Et le père, qui est aussi impatient de voir ce mariage se conclure que je l’ai jamais été de gagner une partie ? — Sans doute, » repartit Bucklaw avec ironie : « il entre dans la politique de sir William Ashton d’assurer à sa fille le meilleur parti qui se présente, puisqu’il a échoué dans son projet de la donner en échange du beau domaine de Ravenswood, que le parlement s’apprête à arracher de ses griffes. — Mais la jeune lady elle-même, qu’en pensez-vous ? C’est la plus jolie femme de toute l’Écosse. Vous en étiez amoureux, lorsqu’elle ne voulait pas de vous, et aujourd’hui qu’elle consent à vous épouser et à renoncer à son engagement avec Ravenswood, voilà que vous tournez tout cela en plaisanterie ! il faut vraiment que vous ayez le diable au corps ; vous ne savez ni ce que vous voulez, ni ce qu’il vous faut. — Je vais vous expliquer cela en deux mots, » répondit Bucklaw en se levant et en se promenant dans la chambre ; « j’ai besoin de savoir quel est le motif qui a engagé miss Ashton à changer d’avis aussi subitement. — Et qu’avez-vous besoin de vous en inquiéter, dès que le changement est en votre faveur ? — Je vais vous le dire. Quoique je n’aie jamais beaucoup connu toutes ces belles dames du grand ton, je n’ignore pas qu’elles sont capricieuses en diable, mais il y a dans le changement de miss Ashton quelque chose de trop subit, de trop sérieux, pour qu’il ne provienne que d’un pur