Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/271

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qu’après un ample déjeuner, dans lequel les viandes froides ou chaudes, les gruaux d’avoine, les vins, les liqueurs, et le lait préparé de toutes les manières possibles, étaient de nouveaux témoignages de ce désir d’obliger leurs hôtes que les propriétaires hospitaliers de la maison avaient manifesté la veille. Tout le village de Wolf’s-Hope retentissait des préparatifs de départ : on payait les mémoires, on se serrait la main, on sellait les chevaux et l’on attelait les voitures, on buvait le coup de l’étrier. Le marquis laissa une pièce d’or, à titre de gratification, pour les gens de John Girder : celui-ci fut quelques moments tenté d’en faire son profit, le procureur Dingwall l’assurant qu’il était parfaitement autorisé à en agir ainsi, vu que c’était sur lui que pesaient les frais de la réception de ses hôtes. Mais, malgré cette décision légale, John ne put se déterminer à ternir l’éclat de son hospitalité en s’appropriant cette gratification. Il se contenta de dire à ses ouvriers et à ses domestiques qu’il les regarderait comme de vils ingrats, s’ils achetaient le plus petit verre d’eau-de-vie autre part que chez lui ; et comme, selon toute probabilité, le pour-boire devait être employé conformément à sa destination, il se tranquillisa par l’idée que, de cette manière, la donation du marquis reviendrait en sa possession, sans la moindre atteinte à son caractère et à sa réputation de désintéressement.

Pendant que l’on s’occupait ainsi des préparatifs du départ, Ravenswood réjouissait le cœur de son vieux majordome en l’informant, avec prudence toutefois, car il connaissait l’imagination ardente de Caleb, du changement probable qui allait s’opérer dans sa position. En même temps, il lui remit la majeure partie du peu d’argent qu’il possédait, en l’assurant que cet argent lui était tout à fait inutile, assurance qu’il fut obliger de répéter plusieurs fois. Enfin il lui recommanda, s’il attachait quelque prix à ses bonnes grâces, de renoncer complètement à toute espèce de manœuvres contre les habitants de Wolf’s-Hope, leurs celliers, leur volaille, leur basse-cour, en un mot contre leurs propriétés quelconques ; et le vieux serviteur se montra plus disposé que son maître ne s’y attendait à se conformer à ses ordres.

« Sans doute, dit-il, ce serait une honte, un déshonneur, un crime, que de harceler ces pauvres créatures lorsque l’on peut vivre honorablement, sans avoir besoin d’eux. Après tout, ajouta-t-il, il y avait peut-être une sorte de prudence à leur donner le temps de respirer, pour pouvoir ensuite plus facilement les ame-