Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/270

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sur un grand fauteuil de cuir qu’on avait roulé près de la cheminée, afin qu’il pût jouir de l’excellent feu dont nous avons parlé. Laissons cet éminent personnage se livrer au repos de la nuit, mettant sans doute à profit les amples préparatifs qui avaient été faits pour son agrément et sa satisfaction, préparatifs que nous avons détaillés dans le but de faire connaître les anciennes mœurs écossaises.

Il est inutile d’entrer dans une description aussi minutieuse de la chambre à coucher du maître de Ravenswood, laquelle était ordinairement occupée par le tonnelier et sa femme. Elle était tendue d’une espèce d’étoffe de laine colorée ; fabriquée en Écosse, dont le tissu approchait de ce qu’on appelle aujourd’hui shalloon, ou serge. Un portrait représentant John Girder lui-même décorait cet appartement. Ce portrait était dû au pinceau d’un Français mourant de faim, qui était venu, Dieu sait pourquoi ou comment, de Flessingue ou de Dunkerque à Wolf’s-Hope, sur un lougre contrebandier. Les traits étaient bien ceux de cet artisan, aussi grossier qu’opiniâtre, quoiqu’il ne manquât pas de bon sens ; mais le peintre lui avait donné une teinte de grâce française qui s’alliait si peu avec la sauvage gravité de l’original, qu’il était impossible de le regarder sans rire. John et sa famille ne se montraient cependant pas peu fiers de ce portrait ; ce qui donnait lieu à ses voisins d’exercer leurs langues et leur censure ; et ils disaient que le tonnelier, en faisant faire son portrait, et plus encore en le faisant placer dans sa chambre à coucher, avait excédé les bornes du privilège que pouvait se croire le plus riche habitant du village ; qu’il s’était élevé au-dessus de son rang, et avait empiété sur les droits des personnages d’un ordre supérieur ; enfin, qu’il s’était rendu coupable d’un acte de vanité et de présomption impardonnable. Mon respect pour la mémoire de mon défunt ami, M. Dick Tinto m’a obligé de parler de ce portrait avec quelque détail ; mais je fais grâce au lecteur de ses observations prolixes, et non moins curieuses, sur le caractère distinctif de l’école française, aussi bien que sur l’état de la peinture en Écosse au commencement du dix-septième siècle.

Du reste, on retrouvait dans la chambre à coucher du Maître de Ravenswood les mêmes apprêts que dans celle qu’occupait son noble parent.

Le lendemain, de bonne heure, le marquis d’Athol et Edgar se préparèrent à continuer leur voyage, ce qui ne put avoir lieu