Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/27

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de littérature. Dick me fit un signe de protection et d’approbation, et ajouta que, puisqu’il me trouvait si docile, il voulait me communiquer, sauf à ma muse à en faire son profit, un sujet qu’il avait étudié sous le rapport de son art.

« Cette histoire, » dit-il, « si l’on en croit la tradition, est fondée sur un fait, quoique l’on puisse avec raison douter de l’exactitude des détails, les événements ayant eu lieu il y a plus de cent ans. »

Après avoir ainsi parlé, Dick Tinto chercha dans ses cartons le croquis d’après lequel il se proposait de peindre, un jour, un tableau de quatorze pieds sur huit. L’esquisse, habilement exécutée, représentait un antique château, approprié et meublé dans ce que nous appelons à présent le goût de la reine Élisabeth. Le jour, venant de la partie supérieure d’une haute croisée, donnait sur une femme d’une rare beauté, qui, dans une attitude de terreur muette, semblait attendre le résultat d’une querelle entre deux autres personnes. L’une était un jeune homme dans le costume de Van Dyck, que l’on portait généralement du temps de Charles Ier. Ce personnage, respirant la fierté et l’indignation, la tête haute, les bras étendus, paraissait réclamer avec force un droit, plutôt qu’une grâce, d’une dame que son âge et quelque ressemblance avec la jeune personne désignaient comme sa mère, et qu’il écoutait avec un mélange de mécontentement et d’impatience.

Tinto produisit son esquisse avec un air de mystérieux triomphe, et la contempla de l’œil d’un père affectionné qui regarde son fils, l’objet de ses espérances, et voit déjà dans l’avenir le rang qu’il occupera dans le monde et le degré d’élévation auquel il portera l’honneur de sa famille. Il l’éloigna de moi de toute la longueur de son bras, puis la ramena plus près. Il la plaça sur une commode, ferma les volets du bas de la croisée, pour que la lumière, frappant d’en haut, donnât un jour plus favorable ; se recula à une distance plus convenable et m’entraîna après lui ; se couvrit le visage de la main, comme pour s’interdire toute autre vue que celle de son objet favori, et finit par rouler en forme de lorgnette le cahier d’écriture d’un écolier. L’expression de mon enthousiasme ne fut sans doute pas proportionnée à celui qu’il éprouvait, car bientôt après il s’écria avec véhémence : « Monsieur Pattieson, j’avais toujours cru que vous aviez un œil. »

Je revendiquai mes droits au nombre ordinaire des organes visuels.