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au presbytère, car il convoitait, pensait-on, un bénéfice dans le voisinage, celui qui le desservait étant malade ; mais M. Balderstone destinait cet honneur au tonnelier, à sa femme et à sa belle-mère, qui dansèrent de joie en apprenant une si glorieuse préférence.

Plus d’une révérence et plus d’un salut accueillirent ces nobles hôtes, qui furent traités avec autant de marques d’égards et de respect qu’ils pouvaient en attendre de gens de cette classe ; et la vieille dame, qui avait demeuré jadis au château de Ravenswood, et qui connaissait, disait-elle, les habitudes de la noblesse, ne négligea rien de ce qu’il fallait, autant que le permettaient les circonstances, pour se conformer à l’étiquette du temps. La maison du tonnelier était spacieuse, en sorte que chacun des deux personnages eut sa chambre séparée, dans laquelle il fut introduit avec les cérémonies convenables pendant qu’on s’occupait à couvrir la table d’un copieux souper.

Ravenswood ne se vit pas plutôt seul que, l’esprit agité par mille sentiments divers, il sortit de l’appartement, de la maison et du village, et prit à la hâte le chemin qui conduisait au sommet de la colline située entre le village et la tour, pour être témoin de la chute finale de la maison de ses ancêtres. Quelques enfants du hameau s’étaient dirigés vers le même lieu par curiosité, après avoir vu arriver la voiture à six chevaux et la suite du marquis. Comme ils passaient en courant l’un après l’autre auprès d’Edgar, s’appelant et se disant l’un à l’autre : Viens voir la vieille tour sauter en l’air comme la pelure d’un oignon, » il ne put s’empêcher d’être saisi d’indignation. « Et voilà, dit-il, les enfants des vassaux de mon père, d’hommes obligés par les lois et la reconnaissance de nous suivre dans les batailles, à travers le feu et l’eau ; et maintenant la destruction de la demeure de leur seigneur n’est pour eux qu’un spectacle, un jour de fête ! »

Ces réflexions, en exaspérant son esprit, augmentèrent la mauvaise humeur avec laquelle il s’écria en se sentant tiré par son manteau : « Qu’est-ce que tu demandes, chien que tu es ? — Oui, je suis un chien, et un vieux chien encore, » répondit Caleb, car c’était lui qui avait pris cette liberté, « et j’ai bien l’air de ne recevoir que les gages d’un chien ; mais je ne m’en soucie pas plus que d’une prise de tabac, car je suis un chien trop vieux pour apprendre de nouveaux tours ou pour suivre un nouveau maître. »

Comme il finissait de parler, Ravenswood parvint au sommet