Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/261

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non-seulement tous les notables du pays, mais même son ancien antagoniste, M. Dingwal. Il y fut par conséquent traité comme le convive le mieux accueilli et le plus considéré, et il captiva si bien l’attention de la compagnie, en parlant de son influence sur son maître, de celle de son maître sur le garde des sceaux, de celle de ce dernier sur le conseil, et du conseil sur le roi, que tous les convives avant de se séparer, ce qui eut lieu d’assez bonne heure, car le jour commençait à poindre, crurent pouvoir monter au grand mât des emplois par l’échelle de cordes que Caleb avait offerte à leur imagination. De plus, le rusé sommelier non-seulement regagna en ce moment toute l’influence qu’il avait anciennement exercée sur les habitants du village, lorsque la famille baroniale au service de laquelle il se trouvait jouissait de toute sa gloire, mais encore il acquit un degré d’importance de plus. Le procureur lui-même, tant est grande la soif des honneurs ! le procureur céda à la force de l’attraction, et saisissant une occasion de tirer Caleb dans un coin, lui parla avec un regret aflectueux du mauvais état de la santé du secrétaire du shériff du comté.

« Excellent homme, homme très-estimable, M. Caleb, dit-il ; mais que vous dirai-je ? nous sommes de pauvres et faibles créatures ; aujourd’hui ici, et demain partis au chant du coq ! et s’il vient à mourir, il faut quelqu’un pour le remplacer ; et si vous pouviez me faire obtenir sa place, je me montrerais reconnaissant, brave homme ; un gant bien rempli de nobles d’or… et quelque chose pour vous-même, et puis nous ferions en sorte que tous ces coquins de Wolf’s-Hope s’accordassent à l’amiable avec le Maître de Ravenswood, je veux dire lord Ravenswood : que Dieu le protège ! »

Un sourire et un serrement de main amical furent la seule réponse qu’il fit à cette ouverture, et Caleb s’échappa du milieu de la troupe joyeuse afin d’éviter de se compromettre en faisant des promesses trop positives.

« Dieu me bénisse ! » dit-il, lorsqu’il se trouva en plein air et libre d’exhaler les transports de joie et de triomphe dont il était pour ainsi dire gonflé, « vit-on jamais une pareille troupe d’oisons ? Les mouettes et les jars sauvages qui sont dans les bas-fonds ont dix fois plus de bon sens. Eh ! mon Dieu ! quand j’aurais été le lord grand commissaire des états du parlement, ils ne m’auraient pas plus flagorné ; et, à vrai dire, je crois que je ne