Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/243

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gination !… » Le vieillard, en le voyant approcher, s’appuya sur sa bêche, afin de recevoir ses ordres ; et comme Edgar ne se pressait pas beaucoup de parler, il entama le premier la conversation. « Vous venez, dit-il, me demander pour une noce, monsieur, j’en réponds. — Qu’est-ce qui vous porte à le croire, mon ami ? lui demanda Ravenswood. — C’est que j’exerce deux métiers, monsieur, répliqua l’enjoué vieillard : je manie le violon et la bêche ; avec l’un je remplis le monde, avec l’autre je le vide ; et trente ans d’exercice m’ont appris à connaître tout d’abord les intentions des personnes qui viennent me trouver. — Néanmoins, aujourd’hui vous vous trompez. — Vraiment ? » dit le vieillard en le regardant avec plus d’attention. « Ma foi, cela est très-possible, car tout ouvert qu’est votre front, on peut y remarquer des signes qui indiquent aussi bien la mort que le mariage. Au reste, ma pioche et ma pelle sont à votre service, de même que mon archet et mon violon. — Je désire, dit Ravenswood, que vous prépariez un enterrement convenable pour une vieille femme, Alix Gray, qui demeurait à Craigfoot, dans le parc de Ravenswood. — Alix Gray ! l’aveugle Alix ! dit le fossoyeur. Elle est donc morte ? Allons ! c’est encore un coup de cloche pour m’avertir de me tenir prêt. Je me rappelle le temps où Hobby Gray l’amena dans ce pays. C’était une jolie personne alors, et qui, parce qu’elle était du sud, nous regardait tous du haut en bas. Voilà une bien terrible chute pour son orgueil ! Elle est donc morte, enfin ? — Oui, hier à une heure. Elle a manifesté le désir d’être enterrée ici, à côté de son mari. Vous savez sans doute dans quel endroit son corps a été déposé ? — Si je le sais ! » répondit le gai fossoyeur ; « je sais où est déposé le corps de chacune des personnes qui sont enterrées ici. Mais vous parliez de la fosse d’Alix. Ah ! Dieu nous bénisse ! ce n’est pas une fosse ordinaire qu’il lui faut, si tout ce qu’on a dit d’elle dans ses dernières années est vrai ; c’en est une de six pieds qui convient pour une sorcière, pas un pouce de moins ; autrement ses commères les autres sorcières viendraient bientôt la dépouiller de son linceul, quoiqu’elle soit une vieille connaissance… Mais six pieds ou trois pieds de profondeur, qui est-ce qui me paiera, je vous prie ? — Ce sera moi, mon ami, répondit Ravenswood, et, en outre, tous les autres frais raisonnables. — Raisonnables ! Voyons : il y a la fosse, d’abord ; puis la sonnerie, quoique la cloche soit cassée, puis le cercueil, ma journée, mon