Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/241

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Ravenswood était alors trop loin pour les entendre encore. Il méprisait la plupart des préjugés ordinaires sur la sorcellerie, les présages et la divination, auxquels, à cette époque, la nation écossaise ajoutait une foi tellement implicite, que celui qui hasardait le moindre doute à cet égard était regardé comme coupable d’un crime égal à l’impiété des Juifs et des Sarrasins. Il savait aussi que cette croyance, généralement reçue à l’égard des sorciers et sorcières, faisait porter de préférence les soupçons sur les personnes sujettes à une sombre mélancolie, ou sur celles qu’accablaient la vieillesse, les infirmités et la misère ; souvent mêmes des aveux, arrachés par la crainte de la mort ou par les plus cruelles tortures, donnaient lieu à ces condamnations nombreuses qui déshonorèrent les fastes judiciaires de l’Écosse pendant le dix-septième siècle. Mais la vision de la matinée, qu’elle fût réelle ou imaginaire, avait rempli son esprit d’idées superstitieuses, qu’il s’efforçait en vain de bannir. La nature de l’affaire qu’il allait avoir à traiter à la petite auberge de Tod’s-Hole, où il arriva bientôt après, n’était pas très-propre à les dissiper.

Il était nécessaire qu’il vît Mortsheugh, le fossoyeur du cimetière de l’Ermitage, afin de s’entendre avec lui pour l’enterrement d’Alix ; et, comme cet homme demeurait tout à côté de ce champ de repos, Ravenswood, après avoir pris quelques rafraîchissements, dirigea ses pas vers cet endroit. Une caverne, grossièrement taillée dans le roc, et dont l’intérieur avait la forme d’une croix, formait ce qu’on nommait l’Ermitage : quelque pieux Saxon, sans doute, y avait autrefois fait pénitence ; de là lui venait son nom. Dans des temps plus rapprochés, la riche abbaye de Caldinghame avait fait construire dans le voisinage une chapelle, dont on ne voyait plus aucun vestige, bien que le cimetière qui l’avait entourée continuât à être un lieu de sépulture pour certaines personnes. Quelques ifs à moitié ébranchés croissaient encore dans cette enceinte sacrée. Des guerriers, des barons y avaient été ensevelis à une époque très-reculée ; mais leurs noms étaient oubliés, leurs monuments démolis, tandis que les simples pierres placées sur les tombes de personnes d’un rang inférieur étaient encore debout. Le fossoyeur habitait une simple hutte adossée au mur à demi ruiné du cimetière, mais tellement basse, et dont le toit de chaume, qui touchait presque à terre, était tellement chargé de gazon et de toutes sortes de plantes parasites, qu’elle ressemblait à un tertre funèbre. Là, Ravenswood apprit