Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/238

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qui séparait la chaumière d’Alix et le village, et d’après l’âge et les infirmités des trois vieilles femmes qui, pour me servir d’une phrase militaire, vinrent le relever de garde. En toute autre occasion, ces vénérables sibylles n’auraient pas fait une telle diligence ; car la première avait plus de quatre-vingts ans, la seconde était paralytique, et la troisième boitait par suite de quelque accident. Mais les honneurs qui sont dus aux morts sont pour les paysans écossais des deux sexes un devoir qu’ils remplissent avec un grand empressement. Je ne sais si c’est par suite du caractère grave et enthousiaste de la nation, ou par le souvenir des anciens usages catholiques, dans un temps où les cérémonies funèbres étaient regardées comme une époque de réjouissance pour les vivants ; mais il est certain que la joie, la bonne chère, et même l’ivresse, étaient et sont encore fréquemment les accessoires obligés d’un enterrement. Ce que la cérémonie funèbre, ou dirgie[1] comme on l’appelle, était pour les hommes, les tristes soins à donner au cadavre avant qu’il soit déposé dans la tombe, l’étaient pour les femmes. Étendre les membres raidis sur une table destinée à cet usage, envelopper le corps dans du linge propre, et ensuite dans son linceul de laine, c’étaient là des opérations que l’on confiait toujours aux vieilles matrones du village, et dont elles trouvaient un sombre et singulier plaisir à s’acquitter.

Les trois vieilles saluèrent le Maître de Ravenswood avec un sourire affreux qui lui rappela la rencontre de Macbeth et des trois sorcières sur les bruyères desséchées de Forres[2]. Il leur remit quelque argent, et leur recommanda de donner les soins ordinaires au corps de leur ancienne connaissance ; ce dont elles se chargèrent très-volontiers, en lui donnant en même temps à entendre qu’il fallait qu’il sortît de la chaumière, afin qu’elles pussent commencer à remplir leurs tristes devoirs. Ravenswood, très-disposé à partir, ne s’arrêta que pour réitérer ses recommandations et s’informer du lieu où il trouverait le sacristain, ou bedeau, chargé du cimetière de l’Ermitage, afin de lui faire tout préparer pour la réception des restes d’Alix dans le lieu de repos qu’elle s’était choisi elle-même.

« Oh ! vous ne serez pas embarrassé pour trouver Johnie Morts-

  1. Collation qui a lieu en Écosse dans la maison mortuaire, immédiatement après l’enterrement ; elle se compose de gâteaux et de vin chez les riches, ou d’eau-de-vie de grains et de bière chez les pauvres. a. m.
  2. petite ville d’Écosse. a. m.