Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/232

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rappeler, milord, de quel sang miss Lucy Ashton est issue du côté maternel. — Je n’ai pas oublié votre généalogie… Je sais que vous descendez d’une branche cadette de la maison d’Angus ; mais vous ne devez pas… pardon, milady, vous ne devez pas non plus oublier que les Ravenswood ont contracté trois fois avec la branche aînée. Allons, milady, je sais qu’il est difficile de vaincre d’anciennes préventions, et combien il faut les ménager. Si j’ai laissé partir mon parent seul, chassé, pour ainsi dire, de cette maison, c’est parce que j’avais l’espoir de devenir médiateur entre vous. Ce serait encore à regret que je vous quitterais en conservant du ressentiment contre vous : aussi ne partirais-je que ce soir, étant convenu avec le Maître de Ravenswood qu’il m’attendra à quelques milles d’ici. Parlons donc de cette affaire avec plus de calme.

— C’est ce que je désire vivement, milord, » répondit sir William avec empressement. « Lady Ashton, ne laissons pas milord d’Argyle nous quitter en emportant avec lui son mécontentement : unissons-nous pour engager Sa Seigneurerie à dîner au château.

— Le château, répondit-elle, et tout ce qu’il contient sont aux ordres de milord d’Argyle, aussi long-temps qu’il voudra l’honorer de sa présence ; mais, pour en revenir à la discussion de ce sujet désagréable… — Pardon, madame, dit le marquis ; je ne peux vous laisser prendre une résolution précipitée sur un objet aussi important. Je vois qu’il vous arrive encore de la compagnie ; et puisque j’ai eu le bonheur de renouveler mon ancienne connaissance avec lady Ashton, j’espère qu’elle me permettra de ne pas exposer une chose aussi précieuse au hasard d’une discussion pénible, du moins jusqu’à ce que nous nous soyons entretenus d’objets plus agréables. »

Lady Ashton sourit, salua, et donna la main au marquis d’Argyle, qui la conduisit dans la salle à manger avec toute la galanterie cérémonieuse de cette époque, où l’on ne permettait pas à un convié de prendre la maîtresse de la maison par-dessous le bras, comme un paysan prend sa maîtresse à une fête de village.

Ils y trouvèrent Bucklaw, Craigengelt, et quelques autres personnes du voisinage, que sir William avait invitées à l’occasion de la visite du marquis d’Athol. On prétexta une légère indisposition pour excuser l’absence de miss Ashton, dont la place demeura vacante. Le repas fut splendide jusqu’à la profusion, et l’on ne se leva de table que fort tard.