Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/224

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chevaux, commencèrent à descendre la colline avec la rapidité de l’éclair, tandis que les cavaliers qui les suivaient mettaient également les leurs au galop.

La seule chance qui restât maintenant à sir William était que l’une des deux voitures versât, et que sa femme ou le marquis se rompît le cou. Je n’assure pas qu’il forma aucun désir bien arrêté à cet égard ; mais je n’ai pas non plus de raison pour croire que, dans l’un ou l’autre cas, il eût été tout-à-fait inconsolable. Cette chance, néanmoins, lui fut encore enlevée ; car lady Ashton, quoique étrangère à la crainte, commença à sentir le ridicule de jouter de vitesse avec un personnage de distinction, dans une course dont le but était la porte de son propre château : aussi, comme on approchait de l’avenue, elle ordonna à son cocher de ralentir le pas et de laisser passer l’autre équipage. Celui-ci obéit avec plaisir à cet ordre qui venait fort à propos pour sauver son honneur ; car les chevaux du marquis étaient meilleurs ou moins fatigués que les siens. Il cessa donc de lutter, et laissa la voiture verte et sa suite enfiler l’avenue, qu’elle parcourut avec la rapidité d’un tourbillon ; car le cocher du marquis, quoiqu’on lui eût cédé le pas, ne ralentit en rien la rapidité de sa marche ; au contraire, celui de lady Ashton reprit le petit trot, s’avança beaucoup plus lentement sous la voûte que formaient les branches entrelacées de deux rangées d’ormes majestueux.

Le marquis, après avoir franchi la porte d’entrée du château, fut reçu dans la cour intérieure par sir William Ashton, dont l’esprit était cruellement agité ; à ses côtés se tenaient son jeune fils et sa fille, et par derrière une longue file de ses gens, les uns en livrée, les autres diversement habillés. À cette époque, la noblesse et les classes un peu relevées portaient jusqu’à l’extravagance le nombre de leurs domestiques, dont les services étaient à bon marché dans un pays où il y avait plus de bras que de moyens de les employer.

Un homme qui avait autant d’usage du monde que sir William Ashton savait trop se rendre maître de lui-même pour se laisser long-temps déconcerter par un concours de circonstances contrariantes. Lorsque le marquis fut descendu de voiture, il lui adressa les compliments d’usage ; et l’introduisant dans le salon, il ajouta qu’il espérait que son voyage avait été agréable. Le marquis était de haute taille, bien fait, d’une figure qui indiquait la profondeur de la pensée et une grande rectitude de jugement ; son œil brillait