Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/219

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de Ravenswood ; ces nouvelles si intéressantes, c’était un étranger qui les apprenait à son épouse ! Un tel mystère approchait tout au moins de la trahison, si même ce n’était pas une rébellion flagrante contre l’autorité de la dame ; et elle jura en son âme de se venger du lord garde des sceaux, comme d’un sujet révolté. Son indignation était d’autant plus grande qu’elle était obligée de la réprimer devant lady Blenkensop et Craigengelt, l’une étant la parente, et l’autre le confident et l’ami de Bucklaw, dont elle désirait l’alliance plus fortement encore, depuis que son imagination effrayée lui faisait craindre que son mari, par politique ou par timidité, ne préférât celle de Ravenswood.

Le capitaine était assez bon ingénieur pour s’apercevoir que la fougasse brûlait ; il ne fut donc pas surpris d’entendre lady Ashton annoncer le même jour qu’elle abrégerait son séjour chez lady Blenkensop. Elle partit en effet le lendemain à la pointe du jour, pour retourner en Écosse avec toute la célérité que permettaient le mauvais état des routes et la manière dont elle devait voyager.

Infortuné garde des sceaux ! il se doutait peu de l’orage qui s’avançait sur lui avec toute la rapidité d’une voiture gothique attelée de six chevaux ; tel que Don Gayferos, il oubliait sa dame pour ne s’occuper que de la visite tant attendue du marquis d’Athol, le jour était enfin venu où il avait l’assurance positive que ce personnage important honorerait le château de Ravenswood de sa présence, à une heure après midi, ce qui était bien tard pour le dîner et causait bien du tracas dans la maison. Sir William parcourait l’un après l’autre les appartements, tenait conseil dans les caves avec le sommelier ; il osa même se montrer dans la cuisine, au risque d’avoir un démêlé avec le cuisinier, serviteur assez fier pour braver les ordres de lady Ashton elle-même. Sûr que tout était en bon train, il se rendit avec sa fille et Ravenswood sur une terrasse d’où il pourrait découvrir au loin l’équipage du marquis. Cette terrasse, flanquée d’un lourd rempart en pierre, s’étendait devant la façade du château, à hauteur du premier étage, et l’on entrait dans la cour par une large porte pratiquée au-dessous : un large escalier en pierre y conduisait. Cette disposition, tout en le protégeant, laissait au château l’apparence d’une maison de plaisance, et prouvait que les anciens lords de Ravenswood jouissaient sans trouble de leur immense pouvoir.