Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/218

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bord parce qu’elle était sa parente et aussi parce qu’elle aimait à faire des mariages. Bucklaw, guéri de sa prodigalité, était précisément le mari qu’elle désirait pour sa bergère de Lammermoor ; et, pouvant donner pour époux à sa fille un gentilhomme possesseur d’une grande fortune, lady Ashton pensait qu’elle ne pouvait rien désirer de mieux. Le hasard fit aussi que, par suite de ses nouvelles acquisitions, Bucklaw pouvait exercer quelque influence politique dans un comté voisin où les Douglas avaient jadis d’immenses propriétés : or lady Ashton avait conçu l’espoir enchanteur de voir son fils aîné Sholto représenter ce comté dans le parlement anglais, et l’alliance projetée avec Bucklaw servait ses vues de ce côté.

Craigengelt, qui ne manquait pas de sagacité, ne vit pas plus tôt d’où venait le vent qu’il en profita. « Rien, disait-il, ne s’opposait à ce que Bucklaw lui-même, s’il le désirait, siégeât pour le comté ; il n’avait qu’à se mettre sur les rangs ; deux cousins germains, l’un homme d’affaires et l’autre chambellan, lui ont assuré leurs votes ; d’ailleurs, le crédit et l’influence de la famille de Girningham ont toujours eu un grand poids dans les élections, de sorte que par amour ou par crainte, il peut compter sur le plus grand nombre des voix. Mais Bucklaw ne s’inquiète pas plus de monter sur le premier cheval venu ou de siéger au parlement, que moi-même je ne m’inquiète d’un duel. Il serait à désirer que dans cette circonstance il trouvât quelqu’un capable de le guider. »

Lady Ashton écoutait tout ceci attentivement, bien résolue en elle-même à diriger l’influence politique de son gendre futur dans l’intérêt de son fils aîné Sholto et des autres parties intéressées.

Quand Craigengelt vit que Sa Seigneurie était si bien disposée, il continua, pour nous servir de l’expression de son patron, à lui donner de l’éperon, en hasardant un mot sur ce qui se passait au château de Ravenswood, sur le long séjour qu’y faisait l’héritier de cette famille, et sur les bruits que (il voulait être damné s’il y ajoutait foi) l’on avait fait courir dans le voisinage. Il n’était pas de la politique du capitaine de montrer de l’inquiétude à ce sujet ; mais il vit facilement au visage enflammé, à la voix tremblante, à l’œil étincelant de lady Ashton, que l’alarme faisait effet : son mari ne lui avait pas écrit aussi régulièrement qu’elle supposait qu’il devait le faire ; il ne lui avait parlé ni de cette visite à Wolf’s-Crag, ni de l’hôte si cordialement reçu au château