Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/210

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ferait en sorte de ne plus avoir besoin d’une semblable hospitalité.

Craigengelt vit donc s’évanouir les espérances qu’il avait d’abord conçues de faire sa dupe du laird de Bucklaw. Toutefois, il retira quelques avantages de la fortune de son ami. Bucklaw n’avait jamais été scrupuleux sur le choix de ses compagnons ; d’ailleurs il était habitué à cet homme qui l’amusait, avec qui il pouvait rire à son gré ; qui prendrait, selon le proverbe écossais, le souffrir et le dire en toutes choses ; qui connaissait toutes les sortes de jeux auxquels on pouvait se livrer, soit à la maison, soit dehors ; et qui, quand le laird voulait vider une bouteille de vin, ce qui arrivait assez souvent, était toujours prêt à lui épargner la honte de s’enivrer seul. À tous ces titres, Craigengelt était donc l’habitué le plus constant et le plus intime de la maison de Girningham.

En tout temps, et quelles que fussent les circonstances, personne ne pouvait tirer grand avantage d’une telle liaison. Cependant ses mauvaises suites étaient en quelque façon neutralisées par la connaissance complète qu’avait Bucklaw du caractère de son protégé, et par le profond mépris qu’il ressentait pour lui. Mais cette fâcheuse compagnie tendait à corrompre les qualités dont la nature l’avait doué.

Craigengelt n’oubliait point le mépris avec lequel Ravenswood lui avait arraché le masque de courage et d’honnêteté dont il se couvrait ; et sa méchanceté, aussi lâche qu’artificieuse, ne trouva pas de meilleur moyen pour se venger, que d’exaspérer Bucklaw contre lui.

Il cherchait tous les prétextes possibles pour ramener la conversation sur le cartel que Ravenswood avait refusé, et cherchait à insinuer à son patron que son honneur exigeait qu’il mît à fin cette discussion ; mais Bucklaw lui imposa un silence absolu sur ce chapitre.

« Je pense, dit-il, que le Maître ne m’a pas traité en gentilhomme, et je ne crois pas qu’il ait eu le droit de m’envoyer une réponse cavalière, quand je lui demandais raison d’un affront. Mais il m’a accordé la vie une fois, et, en regardant la chose de près, je crois que nous sommes quittes. S’il m’insulte encore, je regarderai notre vieux, compte comme soldé, et il fera bien de prendre garde à lui. — Oui, il fera bien, répéta Craigengelt ; car je parierais tout ce que l’on voudra que vous le perceriez d’outre en outre avant la troisième botte. — Alors, je vois que vous n’y connaissez rien, et que vous ne l’avez jamais vu en garde. — Si je ne m’y connais pas ! la plaisanterie est