Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/209

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vrai, celles des forestiers et des palefreniers. Quant au lord garde des sceaux, il passait ses matinées dans son cabinet à tenir ses diverses correspondances, et à balancer dans son esprit inquiet, d’un côté, les renseignements qu’il recueillait de tous côtés relativement aux changements qu’on croyait devoir s’opérer dans la politique écossaise ; de l’autre, la force probable des partis qui se disputaient le pouvoir : d’autres fois, tout occupé des préparatifs qu’il jugeait convenables pour la réception du marquis d’Athol, dont l’arrivée avait été reculée deux fois par les circonstances, il donnait des ordres qu’il changeait aussitôt pour y revenir ensuite.

Au milieu de ces travaux politiques et domestiques, il semblait ne pas remarquer combien sa fille et son hôte se trouvaient livrés à eux-mêmes. Plusieurs voisins le blâmaient, ainsi qu’il est d’usage dans tous les pays, de laisser former une liaison si intime entre ces deux jeunes gens, à moins qu’il ne les destinât l’un à l’autre. Au vrai, sir William ne cherchait qu’à temporiser, jusqu’à ce qu’il eût vu à quel point le marquis portait intérêt aux affaires de Ravenswood, et pouvait les avancer. Il se promit de ne se compromettre en rien avant d’avoir éclairci ces faits, et, de même que bien des hommes artificieux, il se trompa lui-même d’une manière déplorable.

Parmi ceux qui étaient disposés à censurer sévèrement la conduite de sir William Ashton, en ce qu’il permettait à Ravenswood de faire un si long séjour chez lui et d’être si assidu auprès de miss Lucy, se trouvaient le nouveau lord de Girningham et son fidèle écuyer et compagnon de bouteille, personnages mieux connus sous les noms de Hayston de Bucklaw et du capitaine Craigengelt. Le premier avait hérité des vastes domaines de sa vieille grand’tante et de ses immenses richesses, qui lui avaient servi à racheter ses biens patrimoniaux (car il tenait beaucoup à conserver ce nom), quoique le capitaine Craigengelt lui eût proposé un moyen plus avantageux de placer son argent, d’après le système de Law depuis peu établi, lui offrant même de faire le voyage de Paris exprès pour cela. Mais Bucklaw était devenu prudent à l’école de l’adversité, et il ne se montra nullement disposé à suivre les avis de Craigengelt dans une affaire qui pouvait compromettre son indépendance nouvellement acquise. Celui qui avait mangé des pois secs avec du pain d’avoine, qui avait bu du vin aigre et couché dans la chambre secrète de Wolf’s-Crag, disait qu’il saurait conserver sa bonne chère et un bon lit, tant qu’il vivrait, et qu’il