Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/205

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on devait reconnaître les talents et même les moyens nécessaires pour acquérir une grande importance dans l’état.

Une lettre qu’il avait reçue le matin même, pendant l’absence des deux jeunes gens, et qu’il s’empressa de communiquer à Edgar, avait encore contribué à le mettre dans ces heureuses dispositions. Cette lettre lui avait été apportée par un exprès, de la part de cet ami dont nous avons parlé. Cet ami s’occupait sans relâche de réunir une troupe de patriotes, à la tête desquels était la grande terreur de sir William ; le marquis d’A… Le succès avait été tel, qu’il avait obtenu de sir William, sinon une réponse directement favorable, du moins une bonne réception. Il l’avait annoncé au marquis, lequel avait répondu par l’ancien proverbe : Château qui parlemente et femme qui écoute sont bien près de se rendre. Un homme d’état qui entendait proposer un changement dans les mesures de l’administration sans faire d’objection, était, selon l’opinion du marquis, dans la même position qu’une forteresse qui parlemente ou qu’une femme qui écoute, et il résolut de serrer vivement le lord garde des sceaux.

Le paquet contenait donc une lettre de son ami et parent, et une autre du marquis, qui lui annonçaient que ce seigneur irait, sans cérémonie, lui faire une visite dans son château de Ravenswood. Or, comme le marquis d’Athol devait nécessairement traverser, pour se rendre dans le midi, cette contrée dont les routes étaient aussi mauvaises que les auberges détestables ; comme, d’un autre côté, le lord garde des sceaux, par suite de ses fonctions, avait avec Sa Seigneurie des relations obligées, sinon très-intimes, cette visite devait paraître assez naturelle pour ne pas éveiller le soupçon, et y faire découvrir un but politique. Sir William répondit donc qu’il recevrait avec plaisir la visite dont le marquis voulait bien l’honorer, se réservant en lui-même de n’entrer dans ses vues ou de ne les favoriser qu’autant que la raison, c’est-à-dire son intérêt personnel, l’exigerait.

Deux circonstances l’enchantaient : la présence de Ravenswood et l’absence de son épouse. La première lui donnait lieu d’espérer qu’elle effacerait toute idée d’hostilité entre lui et le marquis ; et il prévoyait que, pour son système de tergiversations et de temporisation, Lucy serait une meilleure maîtresse de maison que sa mère, dont le caractère orgueilleux et implacable aurait pu déconcerter les plans politiques de son mari. »

Ravenswood se rendit sans peine à la prière du lord, qui l’in-