Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/202

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vous adresser à mon père ? Engagez-moi par tels serments qu’il vous plaira ; s’ils sont inutiles pour assurer la constance, ils peuvent détruire les soupçons. »

Ravenswood, se jetant aux genoux de Lucy, employa les prières et les supplications les plus vives pour la calmer : Lucy, aussi douce qu’innocente, pardonna volontiers l’offense que ses doutes avaient amenée. La querelle des deux amants se termina par une cérémonie emblématique de leur serment, dont le peuple conserve encore quelque souvenir. Ils rompirent en deux et se partagèrent la pièce d’or qu’Alix avait refusée. — Et toujours ceci restera sur mon cœur, » dit Lucy en pendant la pièce à son cou et la cachant sous son fichu, « à moins que vous, Edgar Ravenswood, vous ne me disiez d’y renoncer ; et tant que je la porterai, jamais ce cœur n’admettra un autre amour. »

Ravenswood plaça l’autre moitié sur son sein en faisant les mêmes protestations. Alors seulement ils s’aperçurent que le temps s’était écoulé bien vite pendant leur entrevue, et que leur absence du château pourrait être remarquée, donner même de l’inquiétude. Au moment où ils se levaient pour quitter la fontaine témoin de leurs serments, une flèche siffla en l’air et frappa un corbeau perché sur la branche d’un vieux chêne, près duquel ils étaient assis : l’oiseau vint tomber en se débattant aux pieds de Lucy, dont la robe fut tachée de sang.

Miss Ashton ne put se défendre d’un mouvement d’effroi, et Ravenswood, très-courroucé et surpris, cherchait partout le tireur qui leur avait donné cette preuve d’adresse aussi inattendue que peu désirée. Il ne fut pas long-temps à le découvrir : c’était Henri, qui accourait de ce côté une arbalète à la main.

« Je savais bien que je vous effraierais, dit-il, et je croyais qu’il serait tombé tout droit sur votre tête, avant que vous vous en aperçussiez. Que vous disait donc le Maître de Ravenswood, ma petite Lucy ? — Je disais à votre sœur que vous étiez un paresseux, que vous nous teniez ici long-temps à vous attendre, » répondit Edgar afin de cacher la confusion de Lucy.

« À m’attendre ? mais je vous ai prié de conduire Lucy à la maison, en vous prévenant que j’allais faire un tour dans la forêt ; avec le vieux Norman, que je fouillerais surtout le taillis de Hayberry ; et vous deviez savoir que cela prendrait une bonne heure. Nous avons reconnu les traces du daim, et tout apprêté, tandis que vous, vous êtes resté assis ici à côté de Lucy, comme un