Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/200

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tinuant de tenir l’autre devant son visage. « Je suis trop rude, trop sauvage, trop intraitable pour un être aussi doux, aussi angélique que vous. Oubliez qu’une sombre vision a traversé le sentier de votre vie, et laissez-moi poursuivre le mien, emportant avec moi la certitude que mon plus grand malheur est de me séparer de vous. »

Lucy pleurait toujours, mais ses larmes étaient moins amères ; chaque effort que faisait Edgar pour expliquer le motif de son départ ne servait qu’à montrer combien il désirait de rester. Enfin, au lieu de lui dire adieu, il lui donna sa foi à jamais et reçut la sienne en retour.

Tout cela se passa si rapidement et fut le résultat d’une impulsion si subite, qu’avant que le Maître de Ravenswood eût eu le temps de réfléchir aux conséquences de cette promesse, leurs lèvres et leurs mains avaient scellé leurs serments.

« Maintenant, » dit-il après un moment de réflexion, « il est convenable que je parle à sir William Ashton, il faut qu’il connaisse notre engagement : Ravenswood ne doit point demeurer chez lui pour solliciter clandestinement l’amour de sa fille. — N’en parlez pas à mon père, « dit Lucy d’un ton craintif. Puis elle ajouta avec chaleur : « Oh ! non, non, n’en parlez pas. Attendez que votre sort soit assuré, que votre situation et vos desseins soient fixés, avant de vous adresser à mon père. Je suis sûre qu’il vous aime, je crois qu’il y consentira ; mais ma mère… »

Elle s’arrêta, honteuse d’exprimer qu’elle doutait que son père osât prendre une résolution, dans une circonstance aussi importante, sans le consentement de lady Ashton.

« Votre mère, ma chère Lucy, reprit Ravenswood, est de la maison de Douglas, maison qui a contracté des alliances avec la mienne, même quand sa gloire était au plus haut période : que pourrait-elle objecter ? — Je ne dis pas qu’elle s’opposerait à notre union ; mais elle est jalouse de ses droits et peut faire valoir ceux d’une mère à être consultée la première dans une telle circonstance. — Cette observation est juste ; mais quoique Londres, où elle a dû se rendre en partant d’Édimbourg, soit loin d’ici, quinze jours suffisent pour que la réponse à une lettre nous arrive. Je ne presserai pas le lord garde des sceaux de prendre une décision immédiate. — Mais, » dit Lucy en hésitant, « ne vaudrait-il pas mieux attendre… attendre quelques semaines. Si ma mère vous voyait, vous connaissait, je sus sûre