Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/19

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un membre exubérant à un sujet favori. Mais la cause d’un ami qui n’est plus m’est sacrée, et je dédaigne de la soutenir par des moyens aussi superficiels. J’ai vu l’enseigne en question, qui est encore suspendue dans le village de Langdirdum, et je suis prêt à déclarer, sous serment, que ce que l’on a sottement pris ou méchamment représenté pour la cinquième jambe du cheval, est dans le fait la queue de ce quadrupède. Lorsque l’on considère l’attitude dans laquelle il est peinte on reconnaît que cet heureux incident a été introduit avec une grande hardiesse, et exécuté avec beaucoup d’art et un merveilleux succès. Le cheval étant représenté rampant, en termes de blason, c’est-à-dire dans la posture d’un cheval qui se cabre, la queue touche la terre, et paraît former un point d’appui, ce qui donne à la figure la solidité d’un trépied : sans cela, il serait difficile, de la manière dont les pieds sont placés, de concevoir comment le coursier pourrait se tenir sans tomber à la renverse. Cette conception échut heureusement à une personne qui sait l’apprécier à sa juste valeur ; car, lorsque Dick, dans un temps où son talent avait été mûri par l’expérience, douta qu’il fût convenable de s’écarter ainsi des règles établies, et exprima le désir de faire le portrait de l’aubergiste lui-même, en échange de cette production de sa jeunesse ; l’offre obligeante fut refusée judicieusement par celui-ci ; il paraît qu’en effet, il avait remarqué que, lorsque son ale manquait de produire son effet, et de lui concilier les suffrages de ceux qui fréquentaient son cabaret, un coup d’œil jeté sur son enseigne ne manquait jamais de les mettre de bonne humeur.

Il serait étranger à mon but actuel de suivre pas à pas les progrès de Dick Tinto, soit dans le perfectionnement de sa touche, soit dans la connaissance plus approfondie des règles de l’art au moyen desquelles il corrigea la richesse exubérante de son ardente imagination. Ses yeux se dessillèrent en contemplant les esquisses d’un contemporain, le Téniers écossais, comme on a justement appelé Wilkie. Il jeta le pinceau, prit les crayons, et luttant contre la faim et la fatigue, l’irrésolution de son esprit et l’incertitude de son succès, il poursuivit les études de sa profession sous de meilleurs auspices que ceux de son premier maître. Quoi qu’il en soit, les premières émanations de son génie, tout imparfaites qu’elles sont (comme les vers de Pope, lorsqu’il n’était encore qu’enfant, si on pouvait les retrouver), seront chères aux compagnons de sa jeunesse. Il y a un pot et un gril peints