Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/186

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dans le chêne, qu’ils semblaient réellement enfler leurs gosiers et battre des ailes. Plusieurs antiques portraits des héros de la famille de Ravenswood, une ou deux vieilles armures et quelques trophées militaires, avaient cédé la place à ceux du roi Guillaume et de la reine Marie[1], de sir Thomas Hope et de lord Stair, deux célèbres hommes de loi écossais. On voyait aussi les portraits du père et de la mère du lord garde des sceaux. Cette dernière avait un air revêche, grondeur et austère : sa tête était couverte d’un capuchon noir rabattu sur une cornette, et elle tenait à la main un livre de dévotion. Son père, sous un capuce de Genève en soie noire qui lui serrait la tête d’aussi près que si elle eût été rasée, offrait les traits pinces et acariâtres d’un puritain ; enfin, une barbe clair-semée, pointue et rougeâtre, contribuait encore à relever sa physionomie, dans laquelle l’hypocrisie semblait le disputer à l’avarice et à la fourberie. C’est pour faire place à de tels êtres, pensa Ravenswood, que mes ancêtres ont été arrachés des murailles qu’ils avaient élevées ! » Il les contempla encore, et en y portant les yeux, le souvenir de Lucy Ashton (car elle ne les avait pas suivis) s’effaçait de son cœur et de sa pensée. Il y avait aussi deux ou trois tableaux grotesques de l’école hollandaise, comme on appelait alors ceux de van Ostade et de Téniers, et une bonne peinture de l’école italienne. Mais les plus remarquables de ces peintures étaient un portrait en pied du lord garde des sceaux, vêtu de sa robe d’office, et celui de lady Ashton, couverte de soie et d’hermine ; beauté hautaine qui portait dans ses yeux tout l’orgueil de la maison de Douglas[2], dont elle descendait. Le peintre, malgré son talent, soit qu’il y eût été contraint par la réalité ou par un petit point de mauvaise humeur, n’avait pu réussir à donner au mari cet air d’autorité légitime et de suprématie qui indique une pleine et entière possession du commandement domestique. On voyait, au premier coup d’œil, qu’en dépit de la masse et des galons[3], le lord garde des sceaux était homme à se laisser gouverner par sa femme. Le plancher de ce beau salon était recouvert de riches tapis ; des foyers aux flammes ondoyantes

  1. Guillaume d’Orange, qui succéda à Jacques II, quand ce prince fut chassé du trône d’Angleterre. La reine, femme de Guillaume, était la fille de Jacques II. a. m.
  2. Famille noble très-ancienne, et qui fut très-puissante sous le règne des Stuarts. a. m.
  3. La masse est la marque de la dignité du lord garde des sceaux, comme le sceptre est celle du monarque. Le président de la chambre des communes a toujours devant lui la masse, emblème de son autorité. a. m.