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de l’endroit ; et particulièrement pour Dick Tinto. À cette époque on n’avait pas encore adopté, entre autres suppressions irréfléchies, cette méthode économique et antilibérale, qui suppléant par des caractères écrits au manque de vérité dans la représentation symbolique, ferme aux élèves des beaux-arts une carrière facile à parcourir, et fertile en instruction et en profits. Il n’était pas encore permis d’écrire sur le linteau plâtré de la porte d’un cabaret, ou sur l’enseigne suspendue d’une hôtellerie : À la vieille pie, ou à la tête du sarrasin, cette froide inscription à la vive image de la babillarde emplumée et au turban couvrant le front irrité du redoutable Soudan. Ce siècle reculé et plus simple que le nôtre considérait également les besoins de tous les rangs, et représentait les symboles de la bonne chère de manière à être à la portée de toutes les intelligences, pensant avec raison que celui qui ne savait pas lire une syllabe pouvait néanmoins aimer un pot de bonne bière tout autant que son voisin plus instruit, ou que le curé lui-même. D’après ce principe libéral, les marchands de vin, aubergistes et autres suspendaient encore les signes emblématiques de leur état, et les peintres d’enseignes, s’ils faisaient rarement de bons repas, du moins ne mouraient pas absolument de faim.

Ce fut donc chez un artiste de cette profession en décadence que Dick Tinto entra en apprentissage ; et, comme cela n’est pas rare chez les grands génies favorisés de la nature dans cette branche des beaux arts, il commença à peindre avant d’avoir aucune connaissance du dessin.

Son talent naturel pour observer la nature l’amena bientôt au point de rectifier les erreurs de son maître et de se passer de ses leçons. Il excellait surtout à peindre des chevaux (car dans les villages d’Écosse le cheval est l’enseigne favorite) ; et, en suivant la marche de ses progrès, il est curieux de voir comment il apprit par degré à raccourcir les croupes et allonger les jambes de ces nobles animaux, et à leur donner plutôt l’apparence de bidets que de crocodiles. La calomnie, qui poursuit toujours le mérite avec une activité proportionnée à son accroissement, a prétendu, il est vrai, que Dick, une fois, avait peint un cheval avec cinq jambes au lieu de quatre. J’aurais pu me prévaloir, pour le défendre, de la licence accordée aux artistes de cette profession, laquelle, permettant tous les genres de combinaisons singulières et contraires aux règles, peut fort bien s’étendre jusqu’à donner