Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/164

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exprimer le plus grand regret de perdre ainsi du temps, et, dans son impatience, il devait faire entendre qu’il portait un message du marquis d’Athol au Maître de Ravenswood, sur des affaires de la plus haute importance.

Ces nouvelles, bien amplifiées, arrivèrent par diverses bouches aux oreilles du garde des sceaux, et chacun appuyait sur l’impatience du courrier, et sur le peu de temps qu’il avait mis pour exécuter son voyage. L’homme d’état inquiet écouta en silence ; mais Lockhard reçut en secret l’ordre de guetter le retour du courrier, de l’arrêter dans le village, de l’étourdir de liqueur, et d’user de tous les moyens, bons ou mauvais, pour connaître le contenu de la lettre dont il était porteur. Cependant comme on avait prévu ce complot, le courrier revint par une route différente et éloignée, et échappa ainsi aux pièges qu’on lui tendait. Après avoir en vain attendu pendant quelque temps, on ordonna à Dingwall de s’informer, particulièrement à Wolf’s-Hope, si on avait vu un domestique appartenant au marquis d’Athol, arriver au château voisin. On en eut facilement la certitude, car Caleb était allé au village un matin à cinq heures, afin d’emprunter deux chopines d’ale et du saumon pour faire rafraîchir le messager ; et le pauvre garçon avait été malade pendant vingt-quatre heures chez Lucky Smallstrash pour avoir mangé à dîner de mauvais saumon fumé, et bu de la bière aigre ; en sorte que l’existence d’une correspondance entre le marquis et son malheureux parent, correspondance que sir William Ashton avait toujours prétendu être un conte en l’air, fut prouvée jusqu’à l’évidence.

Le garde des sceaux ne put alors se défendre de vives alarmes. La faculté d’appeler des décisions de la cour civile aux états de parlement, quoique regardé comme incompétent, pouvait s’exercer, et le parlement avait plusieurs fois reçu des réclamations de cette nature et même y avait fait droit. Le lord n’avait pas peu de sujet de craindre la décision, si le parlement écossais se disposait à accueillir l’appel du maître de Ravenswood pour modifier la première sentence. Il en pouvait résulter que l’on fît droit à sa demande, et qu’on décidât d’après les principes plus larges de l’équité ; il savait bien que ces derniers principes ne lui seraient pas aussi favorables que ceux d’une loi stricte. En attendant, tous les bruits qui parvenaient jusqu’à lui ne servaient qu’à rendre plus probable le succès des intrigues du marquis, et le lord Kee-