Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/148

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brutal jusqu’à présent ; mais il n’en viendra pas à ce point ; car, s’il veut vous assommer, il faut qu’il m’assomme auparavant, et j’en ai fait reculer qui valaient mieux que lui. Pas de jeux de main, et l’on finit par s’entendre ; quant à un peu de tapage, il ne faut pas s’en épouvanter. »

Le bruit des chevaux annonça l’arrivée du tonnelier et du ministre. Ils n’eurent pas plus tôt mis pied à terre qu’ils cherchèrent à s’approcher de la cheminée ; car l’orage avait refroidi le temps, la pluie dégouttait des arbres, et les chemins étaient mauvais. La jeune femme, forte de tous les charmes de sa parure des dimanches, se précipita en avant pour recevoir le premier choc, tandis que sa mère, comme la division des vétérans des légions romaines, se tenait à l’arrière-garde, prête à la soutenir en cas de nécessité. Toutes deux cherchaient à retarder la découverte de l’événement : la mère en se plaçant d’un air affairé entre le feu et M. Girder la fille en faisant l’accueil le plus cordial à son mari et au ministre, et en exprimant ses inquiétudes et ses craintes qu’ils n’eussent pris froid.

« Froid ? » dit le mari d’un ton bourru ; car il n’était pas du nombre de ces seigneurs et maîtres qui trouvent dans leurs femmes des vice-rois auxquels ils obéissent ; « nous prendrons effectivement froid si vous ne nous laissez pas approcher du feu. »

En parlant ainsi, il se fait jour à travers les deux lignes de défense ; et, comme il avait un œil vigilant et toujours ouvert sur ses propriétés de toute espèce, il reconnut à l’instant même l’absence de l’une des broches et de sa garniture appétissante. » Eh que diable ! ma femme… — Fi donc ! n’avez-vous pas de honte ? » s’écrièrent en même temps les deux femmes. « En présence de M. Bide-the-Bent ! — J’ai tort, dit le tonnelier ; mais… — Prononcer le nom du grand ennemi de nos âmes, dit M. Bide-the-Bent. — J’ai tort, répéta le tonnelier. » — C’est nous exposer à ses tentations, continua le ministre ; c’est l’inviter, et en quelque sorte le forcer à suspendre ses trames contre d’autres malheureuses victimes, pour s’occuper plus particulièrement des personnes qui font un fréquent usage de son nom. — Eh bien, en bien ! monsieur Bide-the-Bent, je conviens que j’ai tort. Que voulez-vous de plus ? dit le tonnelier ; mais qu’il me soit permis de demander à ces femmes pourquoi elles ont retiré les canards sauvages avant que nous fussions arrivés. — Nous n’y avons pas touché, Girder, dit sa femme ; mais… mais un accident… — Quel accident ? » demanda