Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/146

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au garçon le plus âgé, qui pouvait avoir environ onze ans, et lui mettant de l’argent dans la main : « Tiens, mon homme, dit-il, voici deux pences[1] ; porte-les à madame Smalltrash, et fais-lui remplir ma tabatière ; pendant ce temps-là je tournerai la broche à ta place… et elle te donnera un morceau de pain d’épice pour ta peine. »

L’enfant ne fut pas plus tôt parti pour remplir sa commission, que Caleb, jetant un regard ferme et sévère sur le second tourneur de broche, retira du feu la broche garnie de l’oie et des canards, enfonça son chapeau sur sa tête, et sortit en triomphe, muni de son butin. Il s’arrêta un instant à la porte de l’auberge, seulement pour dire, en très-peu de mots, que M. Hayston de Bucklaw ne devait pas compter sur un lit au château pour cette nuit.

Si ce message fut fait par Caleb dans un style un peu trop laconique, il devint une véritable grossièreté en passant par la bouche d’un aubergiste de faubourg : aussi Bucklaw s’en trouva-t-il vivement blessé, et, certes, tout homme plus calme et plus modéré que lui l’eût été de même. Le capitaine Craigengelt, aux applaudissements unanimes de tous ceux qui étaient présents, proposa de donner la chasse au vieux renard, avant qu’il pût regagner son terrier, et de le faire danser sur une couverture. Mais Lockhard, prenant un ton d’autorité, fit entendre aux domestiques de son maître, et à ceux de lord Bittlebrain[2], que sir William Ashton se croirait hautement offensé de la moindre insulte qui serait faite à un serviteur du Maître de Ravenswood. Après s’être exprimé de manière à empêcher toute agression de leur part, il sortit de l’auberge, suivi de deux domestiques chargés des provisions qu’il avait pu se procurer, et rejoignit Caleb au moment où celui-ci sortait du village.

  1. Monnaie écossaise. a. m.
  2. Notre texte a ce mot écrit de la sorte ; mais peut-être faut-il lire Littlebrain, qui signifie petit cerveau ou peu de cervelle. a. m.