Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/138

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Caleb avec beaucoup d’emphase ; car, quoiqu’il sût fort bien qu’il n’avait pas grand espoir de réussir dans la contestation qui allait avoir lieu, il était résolu à ne rien sacrifier de l’honneur de la famille.

« Lord Ravenswood, soit, dit l’homme de loi ; nous n’aurons point de dispute sur des titres qui ne sont que de pure courtoisie… ordinairement appelé lord Ravenswood ou Maître de Ravenswood, propriétaire, par droit d’hérédité, des domaines et de la baronnie de Wolf’s-Crag, d’une part, et à John Whitefish et autres, redevanciers, habitants du hameau de Wolf’s-Hope, située dans la susdite baronnie, d’autre part. »

Caleb savait, d’après une triste expérience, qu’il faudrait avec ce champion mercenaire faire une tout autre guerre qu’avec les tenanciers eux-mêmes ; car en parlant à ceux-ci, il pouvait en appeler à leurs anciens souvenirs, à leurs prédilections, à leur manière de penser, et aurait pu employer une foule de raisonnements auxquels leur représentant aurait été tout à fait insensible. Le résultat de la discussion prouva que ses craintes étaient bien fondées. Ce fut en vain qu’il employa toutes les ressources de son esprit et de son éloquence, qu’il rassembla en une seule masse tous les arguments tirés des anciens usages et du respect héréditaire, des services que les lords de Ravenswood avaient anciennement rendus aux habitants de Wolf’s-Hope et de ceux qu’ils pourraient encore leur rendre par la suite ; le procureur s’en tint aux termes de ses chartes… Il ne voyait rien de tout cela… ce n’était point dans le titre ; et lorsque Caleb voulut essayer ce que produirait un ton plus élevé, qu’il lui parla des conséquences qui résulteraient du refus que ferait lord Ravenswood de leur continuer sa protection, que même il donna à entendre que l’on pourrait prendre des mesures coercitives, l’homme de loi lui rit au nez.

« Ses clients, dit-il, avaient pris la résolution de veiller eux-mêmes aux intérêts et à la sûreté de leur village, et il pensait que lord Ravenswood, puisque c’était un lord, avait assez affaire que de s’occuper de son propre château. Quant aux menaces d’oppressions arbitraires, par la règle du pouce[1], ou via facti, dit la loi, il priait M. Balderstone de remarquer que le temps actuel ne ressemblait pas aux temps anciens ; qu’ils demeuraient au sud

  1. Allusion à celui qui travaille sans règle, c’est-à-dire sans dessein arrêté. Via facti, voie de fait. La rivière de Forth sépare les terres hautes ou highlands des terres basses ou lowlands. a. m.