Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/131

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gâtées au point qu’il ne soit pas possible d’en rien retirer ? — Retirer, milady ! répondit Caleb ; eh ! que pourrait-on retirer d’un tas de suie et de cendre ? Vous pouvez descendre dans la cuisine, et voir par vous-même ; la cuisinière est toute tremblante ; toutes les excellentes provisions éparses sur le pavé, bœuf, chapons et sauce blanche, galantine et flan, lard, sauf respect, et toutes les confitures et les friandises ; vous verrez tout cela, milady ; c’est-à-dire, » ajouta-t-il par voie de correctif, « vous n’en verrez rien, car la cuisinière a tout balayé, comme c’était son devoir ; mais vous verrez la sauce blanche à l’endroit où elle a été répandue. J’ai trempé mon doigt dedans, et elle a le goût du lait aigre. Si ce n’est pas l’effet du tonnerre ; je n’y connais plus rien. Ce monsieur que voilà a dû nécessairement entendre le bruit que faisaient en tombant la vaisselle, la porcelaine et l’argenterie. »

Le domestique du lord Keeper, bien qu’au service d’un homme d’état, et par conséquent habitué à composer son visage en toute occasion, fut un peu déconcerté par cet appel, et se contenta de répondre par une inclination.

« Je pense, monsieur le sommelier, » dit le lord Keeper qui commençait à craindre que si cette scène se prolongeait elle ne finît par déplaire au Maître de Ravenswood, « je pense que vous feriez bien de vous entendre avec mon domestique Lockhard ; il a voyagé, et est accoutumé aux accidents et aux inconvénients de toute espèce, et j’espère qu’à vous deux vous trouverez quelque moyen de suppléer à ce qui nous manque en ce moment. — Votre Honneur sait, » dit Caleb, qui, bien qu’il n’eût aucun espoir de venir à bout par ses seuls moyens de ce qu’il désirait, aurait péri victime de ses efforts, comme le noble et fier éléphant, plutôt que de consentir à accepter le secours d’un autre ; « Votre Honneur sait fort bien que je n’ai pas besoin de conseiller quand il s’agit de la dignité de la famille. — Je serais injuste, si j’avançais le contraire, Caleb, lui dit son maître ; mais votre talent consiste principalement à trouver des excuses qui n’apaiseront pas plus notre appétit que le menu de votre dîner foudroyé. Or, il est possible que le talent de M. Lockhard consiste à trouver quelque moyen de suppléer à ce qui certainement n’existe point et n’a probablement jamais existé. — Votre Honneur aime à plaisanter, dit Caleb ; mais je suis bien sûr que si j’allais nu village de Wolf’s-Hope, je trouverais de quoi donner à dîner à quarante personnes, quoique, à dire vrai, ces gens-là ne méritent pas