Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/121

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priétaire, et envoyant, de grand cœur, à tous les diables, et le château et tous ses habitants. Bucklaw, avec plusieurs qualités qui en auraient fait un homme de mérite digne de l’estime publique, avait été élevé avec tant de négligence, qu’il était toujours porté à partager les idées et les sentiments des compagnons de ses plaisirs. Les éloges dont il venait d’être comblé faisaient un contraste frappant avec les injures qu’il entendait proférer de toutes parts contre Ravenswood ; il se rappelait les jours ennuyeux et uniformes qu’il avait passés à Wolf’s-Crag ; il regarda comme un affront sanglant son exclusion du château, et le résultat de toutes ces réflexions fut la résolution qu’il prit de rompre les liaisons qu’il avait eues jusqu’alors avec le maître de Ravenswood.

En arrivant à l’auberge du village de Wolf’s-Hope, il rencontra inopinément une ancienne connaissance qui descendait de cheval. C’était le très-respectable capitaine Craigengelt, qui, sans paraître avoir conservé aucun souvenir de la froideur avec laquelle ils s’étaient séparés, s’approcha aussitôt de lui et lui serra la main de la manière la plus amicale. C’était une marque d’affection à laquelle Bucklaw ne pouvait s’empêcher de répondre avec une égale cordialité, et Craigengelt sentit à la pression de ses doigts qu’il lui rendait son ancienne amitié.

« Bonjour, et de longs jours, Bucklaw, s’écria-t-il, il y en a encore dans ce méchant monde pour les honnêtes gens. »

Il faut remarquer que les Jacobites, à cette époque, avaient, je ne sais trop avec quelle justice ou convenance, adopté le terme d’honnêtes gens comme une désignation spéciale de leur parti.

« Oui, et pour d’autres aussi, à ce qu’il paraît, répondit Bucklaw ; car, sans cela, comment vous seriez-vous hasardé à venir ici, noble capitaine ? — Qui ? moi ? dit Craigengelt ; je suis libre comme le vent de la Saint-Martin, qui n’a ni rentes ni redevances à payer. Tout est expliqué, tout est arrangé avec les honnêtes vieux radoteurs de Auld Reekie[1]. Bah ! ils n’auraient pas osé me retenir huit jours en prison. Il y a certaine personne qui a plus d’amis que vous ne pensez et qui peut être utile à celui à qui il s’intéresse, au moment où il s’y attend le moins. — C’est bon, c’est bon, » répondit Hayston, qui connaissait parfaitement et qui méprisait souverainement le caractère de Craigengelt, « mettons de côté tout ce jargon de charlatanisme, et dites-moi franchement si vous êtes libre et en sûreté. — Aussi libre, répondit Craigengelt,

  1. L’auteur veut ici désigner la ville d’Édimbourg. a. m.