Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/117

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s’accorder avec la courtoisie d’un homme qui reçoit chez lui des hôtes de distinction.

Caleb arriva, et ni la pâleur de la belle étrangère au commencement de l’orage, ni celle de toute autre personne, en toute autre circonstance, n’égala celle qui se répandit sur les joues maigres du désolé sénéchal, lorsqu’il vit cette augmentation de convives, et qu’il réfléchit que l’heure du dîner venait bien vite.

« Est-il devenu fou ? » murmura-t-il tout bas ; « est-il complètement fou ? Nous amener des seigneurs et des dames, et une armée de laquais à leur suite, et lorsque midi a sonné ! » S’approchant alors de son maître, il lui demanda pardon pour avoir permis au reste de ses gens d’aller voir la chasse, ajoutant qu’il ne s’attendait pas que sa seigneurie dût revenir avant la nuit, et qu’il craignait qu’ils ne lissent l’école buissonnière[1].

« Silence, Balderstone ! » dit Ravenswood d’un ton sévère, « votre folie est hors de saison. Monsieur et madame, dit-il en se tournant vers ses hôtes, ce vieillard et une femme encore plus âgée et plus infirme composent tout mon domestique. Nos moyens de vous restaurer sont encore plus chétifs qu’un aussi petit nombre de serviteurs et une maison aussi délabrée ne sembleraient le promettre ; mais, quels qu’ils soient, ils sont à votre service. »

L’étranger, frappé de l’état de ruine et de l’aspect sauvage de la tour, à laquelle les nuages qui obscurcissaient l’horizon donnaient une teinte encore plus sombre, et peut-être un peu ému par le ton sévère et décidé dont Ravenswood lui avait parlé, ainsi qu’à sa fille, jeta autour de lui des regards inquiets ; il semblait se repentir de l’empressement avec lequel il avait accepté l’hospitalité qui lui avait été offerte. Mais il n’était plus possible de sortir de la position embarrassante où il s’était placé lui-même.

Pour Caleb, il fut si complètement étourdi de l’aveu public et nullement déguisé que fit son maître de sa complète pénurie, que, pendant deux minutes, il marmotta dans sa barbe, qui n’avait pas senti le rasoir depuis six jours : « Il est fou, entièrement fou ;… il a perdu la tête. Mais que le diable emporte Caleb Balderstone, » ajouta-t-il, en appelant à son secours toutes les ressources de son invention, « si l’honneur de la famille en souffre, fût-il aussi fou que les sept sages. » Il s’avança alors hardiment, et, malgré les regards de mécontentement et d’impatience de son

  1. Play the truant, dit le texte, phrase dont le sens indique un écolier qui s’absente de l’école sans permission. a. m.