Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/113

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des hommes nouveaux exerçaient cette prérogative sur les dunes, que ses ancêtres avaient toujours été jaloux de réserver pour leur propre amusement, tandis que lui, l’héritier du domaine, était forcé de se tenir éloigné de leur parti, cette situation réveillait en lui des réflexions qui faisaient une impression profonde sur une âme comme celle de Ravenswood, naturellement contemplative et mélancolique. Sa fierté cependant le fit bientôt triompher de cet état d’abattement, qui fit place à l’impatience, en voyant que Bucklaw, toujours léger, ne paraissait guère empressé de revenir avec le cheval qu’il avait emprunté, et que Ravenswood, avant de s’éloigner, désirait voir rendre à son complaisant propriétaire. Comme il s’apprêtait à se diriger vers le groupe de chasseurs, il fut joint par un cavalier, qui, comme lui, s’était tenu à l’écart pendant la chute du cerf.

Ce personnage avait l’air âgé. Il portait un manteau écarlate boutonné jusqu’au haut du visage, et un chapeau, dont la ganse était défaite et qui se rabattait sur ses yeux, probablement pour se préserver des injures de l’air. Son cheval était celui d’un fort et solide cavalier plus désireux de voir la chasse que d’y prendre part. Un domestique le suivait à quelque distance, et tout indiquait un seigneur avancé en âge. Il aborda Ravenswood très-poliment, mais non sans quelque embarras. « Vous paraissez un jeune homme brave, monsieur, dit-il, et cependant vous semblez aussi indifférent pour ce noble amusement que si vous étiez accablé sous le fardeau de la vieillesse comme moi. — Je me suis livré avec plus d’ardeur à ce divertissement dans d’autres occasions, répondit le maître ; aujourd’hui des événements arrivés dans ma famille doivent me servir d’excuse…, et d’ailleurs, ajouta-t-il, j’étais assez mal monté au commencement de la chasse. — Je crois, dit l’étranger, qu’un de mes domestiques a eu l’esprit de prêter un cheval à votre ami. — J’ai été très reconnaissant de sa politesse et de la vôtre, répliqua Ravenswood. Mon ami est M. Hayston de Bucklaw, que, j’en suis sûr, vous trouverez au milieu des plus ardents chasseurs. Il rendra le cheval à votre domestique et reprendra le mien, et joindra, » ajouta-t-il en détournant son cheval pour s’éloigner, « ses remercîments les plus sincères aux miens pour votre obligeance. »

Le Maître de Ravenswood, après s’être exprimé ainsi, suivit la route qui conduisait chez lui, de l’air d’un homme qui a pris congé de la compagnie. Mais l’étranger n’entendait pas se séparer