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Caleb Balderstone les suivit d’un œil inquiet, et secoua ses cheveux blancs. « Et j’espère qu’il ne leur arrivera pas de mal, dit-il. Mais les voilà dans la plaine, et personne ne niera que les chevaux soient vigoureux et pleins de feu. »

Animé par son impétuosité naturelle et par la fouge de son caractère, le jeune Bucklaw se précipitait avec la rapidité d’un tourbillon, sans réfléchir à aucun danger. Ravenswood ne se modérait guère plus dans sa course ; car son âme ne sortait qu’à regret d’une inactivité contemplative ; mais dès qu’il était une fois en mouvement, il acquérait une force de progression qui allait jusqu’à la violence. Encore son ardeur n’était-elle pas toujours proportionnée au motif de l’impulsion, et aurait-elle pu être comparée à la vitesse d’une pierre, qui roule avec la même rapidité du haut d’une montagne, soit qu’elle ait été lancée par le bras d’un géant, soit qu’elle ait été jetée par la main d’un enfant. Il se livra donc avec une impétuosité peu ordinaire au plaisir de la chasse, passe-temps si naturel à la jeunesse de toutes conditions, qu’il semble être plutôt une passion inhérente à notre nature, qui fait disparaître toutes les différences de rang et d’éducation, qu’une habitude acquise d’exercice violent.

Les sons répétés du cor, dont alors on se servait toujours pour encourager et diriger les chiens, leurs aboiements lointains, les cris de chasseurs qui parvenaient à peine à l’oreille, la vue à peine distincte des cavaliers, tantôt sortant des vallons qui traversaient les bruyères, tantôt volant sur leur surface, tantôt cherchant à franchir les marécages qui leur barraient le chemin, et plus que tout cela, le sentiment de la rapidité de sa propre course, animaient le Maître de Ravenswood, et bannissaient de son esprit, au moins pour le moment, les pénibles souvenirs dont il était environné. La première chose qui lui rappela ces circonstances désagréables fut la certitude qu’il acquit que son cheval, malgré tous les avantages qu’il recevait de la connaissance que son cavalier avait du pays, était incapable de suivre la chasse. Au moment où il venait de tirer la bride, en songeant avec amertume que sa pauvreté l’empêchait de goûter l’amusement favori de ses ancêtres, leur unique occupation lorsqu’ils n’étaient pas engagés dans des entreprises militaires, il fut accosté par un étranger bien monté qui l’avait suivi pendant quelque temps sans en être aperçu.

« Votre cheval est essoufflé, » dit cet homme avec une com-