Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/103

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allez vous lamenter pour ces chiens aux oreilles écourtées que le brave Claverse[1] traita comme ils le méritaient ? — On commença par dire que ces chiens étaient enragés, et ensuite on les pendit. J’espère voir le jour où la justice ne fera acception ni de whig ni de tory, et où ces sobriquets ne seront plus employés que par les politiques de café, de même que ceux de coquin ou autres le sont par les femmes du peuple comme de vains termes de dépit et d’animosité. — Ce ne sera pas de notre temps, le fer est entré trop profondément et dans nos corps et dans nos âmes. — Ce jour viendra cependant, répliqua le maître ; ces sobriquets ne feront pas toujours tressaillir, comme le fait le son de la trompette. À mesure que la vie sociale sera plus protégée, les avantages que l’on y trouvera seront trop chers pour être hasardés sans des motifs plus puissants que ceux d’une politique spéculative. — Ce sont là de belles paroles ; mais mon cœur est pour la vieille chanson :

« Voir de bons grains dans les sillons,
Et pour les whigs une potence,
Rendre juste et bonne sentence,
C’est bien là ce que nous voulons. »

— Vous pouvez chanter aussi haut que vous voudrez, cantabit vacuus[2], mais je crois que le marquis est trop sage ou du moins trop prudent pour se joindre à vous. Je soupçonne qu’il fait allusion à une révolution dans le conseil privé d’Écosse, plutôt que dans les royaumes britanniques. — Oh ! maudit soit tout ce manège politique, ces manœuvres froidement calculées, que les vieillards en bonnets de nuit brodés, et enveloppés dans leurs robes de chambre fourrées, exécutent comme des parties d’échecs ; déplaçant un trésorier, ou un lord commissaire, comme s’ils prenaient une tour ou un pion. La paume pour mon amusement, une bataille pour mon occupation sérieuse ; ma raquette est mon joujou ; mon épée est mon gagne-pain. Et vous, maître, tout profond et réfléchi que vous voudriez le paraître, vous avez en vous quelque chose qui fait bouillonner votre sang trop vite pour être d’accord avec l’humeur où vous êtes à présent de moraliser sur les maximes politiques. Vous êtes un de ces sages qui voient tout avec beaucoup de calme, jusqu’à ce que le sang leur monte à la tête, et alors… malheur à quiconque viendrait leur rappeler

  1. Claverhouse, général royaliste qui paraît dans Old Morality. a. m.
  2. Il chantera dans le désert. a. m.