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Wolf’s-Crag, principalement par le canal de Caleb, le sommelier, qui à ses autres qualités joignait celle d’être un ardent politique, et qui rarement faisait une excursion de la vieille forteresse au village voisin de Wolf’s-Hope, sans rapporter toutes les nouvelles qui couraient dans le voisinage.

Mais, si Bucklaw ne pouvait rien opposer de satisfaisant aux raisons que lui donnait le maître pour différer son départ d’Écosse, il n’en éprouvait pas moins d’impatience de se trouver réduit à un état d’inaction, et ce n’était que l’ascendant que Ravenswood avait acquis sur lui, qui pouvait l’engager à se soumettre à un genre de vie si peu d’accord avec ses habitudes et son inclination.

« J’avais toujours entendu dire que vous étiez un jeune homme actif et entreprenant, lui remontrait-il souvent, et cependant vous paraissez déterminé à végéter ici comme un rat dans un trou, avec cette petite différence que le rat, plus sage, choisit son ermitage dans un lieu où il pourra au moins trouver de quoi vivre ; mais quant à nous, les excuses de Caleb deviennent plus longues à mesure que la quantité d’aliments diminue, et je crains que nous ne réalisions ce que l’on raconte de l’animal que l’on nomme le paresseux ; nous avons presque achevé de dévorer la dernière feuille verte qui fût sur l’arbre, et il ne nous reste plus qu’à nous laisser tomber et à nous rompre le cou. — Ne craignez rien, dit Ravenswood ; il est une destinée qui veille sur nous, et nous aussi nous avons un intérêt dans la révolution qui va bientôt éclater, et qui déjà a jeté l’alarme dans plus d’un cœur. — Quelle destinée ? quelle révolution ? répondit son compagnon ; nous avons eu déjà une révolution de trop, ce me semble. »

Ravenswood l’interrompit en lui mettant une lettre entre les mains.

« Oh ! dit Bucklaw, voilà mon rêve expliqué. Il me semblait entendre ce matin la voix de Caleb pressant quelque malheureux de boire un verre d’eau fraîche, et l’assurant que cela était bien plus salutaire le matin que de la bière ou de l’eau-de-vie. — C’était le courrier de lord A…., dit Ravenswood, l’hospitalité, toute d’ostentation, qu’il a reçue de mon sommelier, s’est, je crois, réduite à de la bière aigre et à des harengs. Lisez et vous verrez les nouvelles qu’il nous a apportées. — Je vais lire aussi vite que je pourrai, dit Bucklaw ; car je ne suis pas fort habile, et sa seigneurie ne paraît pas être le premier écrivain du monde. »