Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/74

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davantage, je solderai tout avec l’argent du beurre que je vendrai, et qu’il n’en soit plus question. » Alors parlant tout haut : « Mais vous aussi, monsieur, ne parlez plus à ce jeune homme de mettre la main à la charrue ; il n’y a que trop de pauvres gens dans le pays, de malheureux whigs qui seront bien joyeux de faire ce métier pour un morceau de pain et de soupe. Cela leur sera plus convenable qu’à un jeune homme comme lui. — Et ensuite nous aurons chez nous les dragons, dit Milnwood, pour avoir reçu et nourri des rebelles : belle affaire ! où allez-vous nous engager ? Mais déjeunez donc, Henri ; quittez votre bel habit neuf, et reprenez votre surtout gris : c’est un costume plus décent, plus honnête, et plus agréable aux yeux que toutes ces fanfreluches pendantes d’oripeaux et de rubans. »

Morton se retira, pensant bien que pour le moment il ne pourrait exécuter son projet, et peut-être d’un autre côté n’était-il pas fort mécontent des obstacles qui semblaient se présenter pour l’empêcher de quitter le voisinage de Tillietudlem. La gouvernante l’accompagna dans la chambre voisine en lui frappant sur l’épaule, et ayant soin de lui recommander d’être un bon garçon et de serrer ses beaux habits.

« Je descendrai votre chapeau et le rangerai, ainsi que les rubans qui le garnissent, dit la complaisante ménagère, et venez avec nous ; ne nous parlez plus de quitter le pays, ni de vendre la chaîne d’or, car votre oncle a un véritable plaisir à vous voir, presque autant qu’à compter les anneaux de la chaîne, et vous savez que les vieilles gens n’ont pas long-temps à aller. Ainsi la chaîne, les terres seront un jour à vous ; puis vous vous marierez dans le voisinage à quelque jeune demoiselle du pays, dont vous serez amoureux, et vous vous mettrez à la tête d’une bonne maison à Milnwood, car il y a tout ce qu’il faut pour cela. Ne voilà-t-il pas de quoi vous dédommager d’attendre, mon enfant ? »

Il y avait quelque chose dans la dernière partie de cette prédiction qui charmait si agréablement les oreilles de Morton, qu’il serra avec affection la main de la vieille gouvernante, et l’assura qu’il était bien reconnaissant de ses bons avis, et qu’ils seraient l’objet de ses réflexions avant qu’il procédât à l’exécution de son premier dessein.